Les Hazaras, peuple afghan sur la sellette
L’Afghanistan est composé de nombreux groupes ethniques qui cohabitent plus ou moins pacifiquement. Parmi ces groupes, on trouve les Hazaras, une minorité chiite de 4 millions d’habitants environ. Longtemps discriminés et marginalisés, ils occupent aujourd’hui une place importante dans la société afghane. Mais le probable retour en politique des talibans inquiète la communauté hazara.
La conflictualité entre les Hazaras, troisième groupe ethnique du pays, et les Pachtounes, groupe majoritaire en Afghanistan, est ancienne et profonde. L’État afghan moderne se consolide au XIXème siècle sous l’impulsion des Pachtounes, qui œuvrent à renforcer l’unité du pays en asservissant des territoires de la région. Parmi ces territoires, le Hazaradjat, territoire des Hazaras, résiste longtemps aux invasions Pachtounes.
Tout bascule en 1891 quand l’émir pachtoune Abdur Rahman déclare les chiites infidèles et prononce le jihad contre les Hazaras. Une guerre sainte bien ficelée qui permet aux Pachtounes d’asseoir leur emprise sur la région et renforce l’unité de l’État afghan. Cet événement marque un clivage fort et durable entre les chiites et les sunnites dans la région.
Tout au long du XXème siècle, les Hazaras sont discriminés, marginalisés, beaucoup doivent d’ailleurs s’exiler en Iran ou au Pakistan. Leurs conditions s’améliorent un peu dans les années 1970 ; ils ont maintenant la possibilité de faire des études mais restent des citoyens de seconde zone.
Si pendant la guerre civile, puis l’occupation talibane (1992-2001), les Talibans n’hésitent pas à massacrer des Hazaras, l’arrivée de forces étrangères dès 2001 leur est de bonne augure. Il est vrai que la communauté chiite a toujours tenté de rester unie face à ses adversaires, et ce malgré la guerre civile. C’est ainsi qu’en 1992, le Hezb-e-Wahdat (parti de l’unité) est créé pour faire bloc face à l’insécurité grandissante dont ils sont victimes. Cette force politique prône un discours davantage ethnique que religieux.
Dans les années 2000, les choses s’améliorent pour les Hazaras. La constitution de 2004 leur donne des droits et les reconnaît officiellement. Ils peuvent maintenant voter et accéder à des hautes fonctions. Les Hazaras représentent aujourd’hui environ le quart du parlement afghan.
Beaucoup s’étaient exilés un certain temps en Iran, et reviennent dans leur pays d’origine très éduqués et prêts à occuper des postes importants. Si les Hazaras n’ont jamais été aussi prospères que depuis 2001, le retour de bâton se fait sentir. L’hostilité des autres groupes, comme les Tadjiks et les Pachtounes ne cesse de grandir. Il ne faut pas non plus penser que seulement deux fronts se font face : d’un côté les Pachtounes et de l’autre les Hazaras. La société afghane est multi-ethnique, et les alliances entre les blocs politiques se font et se défont.
Cependant, une menace revient à la charge pour les Hazaras : le probable retour en politique des talibans.
En effet, les dirigeants se rendent bien compte qu’une solution pour la paix en Afghanistan n’est pas envisageable sans que les talibans occupent une place officielle à la table des négociations. C’est bien cela qui inquiète le peuple chiite : les talibans entretiennent une haine viscérale envers les Hazaras qu’ils considèrent comme impurs, car chiites, et ne les reconnaissent pas comme Afghans.
En octobre 2015, sept Hazaras sont retrouvés décapités, dont une fillette de neuf ans. C’est un véritable électro-choc pour ce peuple qui sort manifester en masse dans les rues de Kaboul, demandant au président Ashraf Ghani une meilleure protection. Mais les talibans ne sont pas les seuls ennemis des Hazaras. En juillet 2016, un attentat revendiqué par l’État islamique fait plus de 80 morts durant une manifestation hazara.
Ce n’est pas tout. Le retour en politique du « boucher de Kaboul », Gulbuddin Hekmatyar, chef du deuxième groupe taliban du pays, inquiète au plus haut point les Hazaras. En août 2013, lors de la fête de l’Aïd, il avait déclaré que la communauté n’aurait bientôt nulle part où se réfugier dans le pays. Un message clair qui annonce des temps difficiles pour les Hazaras en cas de retour des talibans sur la scène politique afghane.