La question syrienne divise le Labour et renforce Cameron
Le 26 novembre dernier, le Premier ministre britannique David Cameron a présenté à la Chambre des Communes ses arguments en faveur d’une extension des frappes de la Royal Air Force à la Syrie. Actuellement, les bombardements ne concernent que l’Irak. Il a aussitôt rencontré une virulente opposition de la part de Jeremy Corbyn, chef du Labour Party (Parti travailliste, LP). En parallèle, des députés travaillistes ont affirmé vouloir être solidaires avec le gouvernement, quitte à défier leur leader. Le vote sur le sujet aura lieu ce mercredi 2 décembre. Sauf retournement de situation de dernière minute, D. Cameron devrait être soutenu par une majorité des députés. Au-delà de cette victoire pour le parti conservateur, ce sont les dissensions dans le LP qui sont ici importantes.
C’est la deuxième fois que D. Cameron tente de convaincre les députés de la nécessité d’intervenir militairement en Syrie par les airs. Sa première demande avait été refusée en août 2013. A l’époque, le but était de défaire le régime de Bachar al-Assad qui venait d’être accusé d’utilisation d’armes chimiques contre des civils. Entre temps, l’ennemi clairement identifié est devenu Daesh. Cependant, la stratégie de D. Cameron contre l’organisation terroriste ne convainquait toujours pas. Elle a même été de nouveau critiquée en octobre 2015, notamment par Julian Lewis, président conservateur du comité de Défense de la Chambre des Communes. Dans un article publié dans The Guardian, co-signé avec Peter Ford, député travailliste, J. Lewis affirmait que bombarder la Syrie serait « à haut risque » et « vain ». Selon eux, les arguments du gouvernement pour étendre la zone de frappes aériennes n’étaient pas assez solides.
Depuis, les attentats du 13 novembre 2015 ont changé la donne. D. Cameron s’est affiché comme le soutien le plus solide du Président français François Hollande. Dans la foulée de l’adoption par l’ONU d’une résolution pour combattre Daesh « par tous les moyens » le 20 novembre, il a affirmé que le Royaume-Uni répondrait présent. Dans son allocution faite le 26 novembre, il a souligné la nécessité pour Londres d’intervenir contre Daesh qui représente une « menace fondamentale » pour les citoyens anglais. Son initiative a été soutenue par les membres de son parti, ainsi que par des députés de l’opposition. D. Cameron devrait enfin pouvoir concrétiser cette volonté qu’il défend depuis plusieurs années.
Le vote qui est prévu ce mercredi au Parlement sera normalement un succès pour le gouvernement. Il y a donc de grandes chances que des frappes aériennes anglaises aient lieu en Syrie. Le débat qui a animé la société autour de ce sujet peut également être perçue comme une victoire politicienne pour D. Cameron. Suite à la déclaration faite devant la Chambre des Communes par le Premier ministre, des dissensions au sein du Parti travailliste ont été révélées.
Alors que D. Cameron venait tout juste de défendre le bien-fondé d’une intervention militaire anglaise en Syrie, Jeremy Corbyn, chef du Parti travailliste, s’est vivement opposé à ce projet. Il a même écrit aux députés du parti pour leur expliquer son refus. Il est viscéralement opposé à une opération militaire. Il a affirmé qu’il était « vital qu’en ces temps tragiques nous ne nous précipitions pas vers des réponses qui n’engendreront que violence et haine. ». Cependant, une majorité des élus travaillistes siégeant à la Chambre des Communes se dit prête à soutenir le gouvernement. Ils ont été convaincus par D. Cameron, et pensent qu’il s’agit là de la meilleure stratégie pour lutter contre Daesh. Face à la pression exercée par les autres dirigeants du Parti travailliste, J. Corbyn a été obligé de ne pas imposer une consigne de vote pour mercredi. Les députés travaillistes seront donc libres de voter pour, ou contre, une intervention anglaise en Syrie.
Quelques jours après son élection à la tête du Parti travailliste, Les Yeux Du Monde se demandaient si J. Corbyn était l’espoir, ou la fin du Labour. Son autorité semble déjà remise en question par les députés, ainsi que par les membres du cabinet fantôme formé par le Parti travailliste. Comme nous l’avions prévus, J. Corbyn n’impose pas un strict respect de ses idées. Il est possible de se demander comment cette situation pourra évoluer dans le long terme, et surtout, quels seront les effets sur la stabilité du Parti travailliste. J. Corbyn sort fragilisé de ce premier épisode critique au sujet de la politique étrangère anglaise. Sachant que d’autres questions épineuses pourraient se présenter dans les prochains mois, cela pourrait être seulement le début d’une période difficile pour J. Corbyn.