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Incarcération de Setya Novanto : l’Indonésie enfin engagée dans sa lutte contre la corruption ?

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L’Indonésie tente de conclure le plus gros scandale de corruption de son histoire. Temporairement en tout cas. Dimanche 19 novembre, le président du Parlement indonésien Setya Novanto, numéro 3 du gouvernement, a été incarcéré par la Commission pour l’éradication de la corruption (KPK) en raison son implication dans le détournement d’au moins 145 millions d’euros de fonds publics.

Setya Novanto (premier plan) a été incarcéré dans le cadre de la lutte anti-corruption du président Widodo.
Setya Novanto (premier plan, à gauche) a été incarcéré dans le cadre de la lutte anti-corruption du président Widodo.

À l’origine, 384 millions d’euros étaient destinés à financer le nouveau système de cartes d’identité électroniques du pays. Entre 2009 et 2015, environ 145 millions d’euros de ce budget ont disparu des caisses de l’État au bénéfice de plusieurs hommes politiques parmi lesquels figure Setya Novanto. Ce dernier est également le président du parti Golkar, parti fondé par l’armée en 1964 et qui fut le bras exécutant de Soeharto[1] pour éliminer l’opposition de l’époque. Soeharto est considéré comme le dirigeant le plus corrompu de la planète dans les années 80 et 90. Aujourd’hui, l’actuel président de la République Joko Widodo tente de faire de la lutte anti-corruption le point d’orgue de sa politique. La KPK, une organisation indépendante fondée en 2002, l’aide dans ce combat de par sa capacité à mener des enquêtes et à entamer des poursuites. Mais les résultats n’étaient jusqu’ici pas à la hauteur des attentes du peuple indonésien.

Un mal enraciné, un frein à l’attractivité économique

Setya Novanto, apparu à la télévision dimanche vêtu de la tenue orange des détenus, nie les faits. Il avait déjà été accusé en 2015 d’avoir extorqué un pot-de-vin à la multinationale américaine Freeport-McMoran qui exploite de gigantesques mines d’or et de cuivre en Papouasie. Setya Novanto avait alors dû démissionner de son poste de président du Parlement. Malgré un enregistrement de 80 minutes d’une conversation dans lequel l’homme politique négocie plusieurs milliards de dollars en échange d’une aide pour le développement des mines, les poursuites sont abandonnées. Novanto avait même repris son poste au Parlement en 2016. Mais aujourd’hui, malgré de nombreux efforts depuis son inculpation en juillet 2017 pour éviter les convocations de la justice, le haut fonctionnaire doit faire face à une gouvernance plus stricte et a été incarcéré dans un centre de détention de la KPK.

Il s’agit d’un grand pas pour l’Indonésie, qui voit son attractivité économique ternie par ce problème structurel de corruption et d’instabilité. Arrivé au pouvoir le 20 octobre 2014, Joko Widodo n’a pas tenu sa promesse de renouveler la classe politique et a même renforcé le pouvoir de certaines figures conservatrices au Parlement via des avantages et de hautes fonctions, afin de renforcer sa majorité. Si cela lui donne plus de latitude pour mener ses actions, ce choix a suscité beaucoup de déception au sein d’une population avide de plus de liberté et de transparence.

L’affaire Novanto n’est pas terminée, mais l’Indonésie doit désormais être ferme dans son combat. Déjà gangréné par l’intensification des revendications territoriales, le terrorisme et des tensions religieuses qui divisent profondément sa population, le plus grand archipel du monde doit réagir pour maintenir sa croissance et son développement international. Joko Widodo, surnommé « Jokowi » a été élu sur un programme réformateur, ce qui démontre les attentes majoritaires de changement de la part des citoyens. Mais les réformes ont été jusqu’ici principalement économiques, ce qui ne suffit plus.

[1] Président de la République d’Indonésie de 1967 à 1998.

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Jessy PÉRIÉ

Diplômée d'un Master 2 en Géopolitique et prospective à l'IRIS, Jessy Périé est analyste géopolitique et journaliste, spécialisée sur la zone Asie orientale. Elle s'intéresse particulièrement aux questions de politique extérieure chinoise et japonaise.

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