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« Les mystères de Pékin », ou les troubles circonstances entourant l’éviction d’un apparatchik chinois

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Ca y est, Bo Xilai, il y a peu encore figure montante du parti communiste chinois, a été définitivement et violemment évincé. Limogé il y a un mois du secrétariat général de la ville de Chongqing, il a perdu ses dernières responsabilités au sein du parti alors que sa femme est accusée d’homicide et que Pékin a supprimé, dans la presse et sur le net, tout possible soutien au néo maoïste.

Cette affaire ne peut que susciter malaise et suspicion, tant les raisons de l’éviction de Bo Xilai et ses circonstances interpellent.

Bo Xilai était puissant : véritable « baron » dans la ville de Chongqing jusqu’au 15 mars dernier, membre du très restreint Politburo (25 membres), organe dirigeant du PCC (et donc de la Chine), il ambitionnait d’intégrer le « saint des saint », le comité permanent du Politburo (9 membres, les 9 dirigeants de la Chine communiste). Représentant très populaire de l’aile gauche du parti (i.e. tenant d’une croissance recentrée sur la consommation interne pour « repartager le gâteau » selon ses propres termes), il comptait également sur le soutien d’un assez large cercle d’entrepreneurs et de milliardaires. Dernier atout majeur de Bo, sa femme, Gu Kailai: belle, populaire et ambitieuse, elle était devenue une véritable « Jacky Kennedy chinoise ».

Or, étrangement, chacune des composantes du pouvoir de Bo Xilai a été attaquée et anéantie au cours du dernier mois.

On a vu que Bo a perdu Chongqing. Il a été exclu du Politburo. Un de ses plus fervents soutiens, le milliardaire Xu Ming, a récemment été arrêté dans le cadre de la lutte anti-corruption (et, comme de juste, Pékin n’a fourni aucun détail). Sa femme est sous les verrous, accusée de meurtre dans le très trouble dossier de la mort du citoyen britannique Neil Haywood. Enfin, dernier acte, c’est le soutien populaire à Bo Xilai que Pékin attaque en muselant la toile et la presse.

La Chine est habituée, depuis les années 1950, aux luttes politiques. Son système bureaucratique et autoritaire, en concentrant et en verrouillant le pouvoir, les favorise. Deng Xiaoping lui-même, à son époque, a eu fort à faire avec la veuve de Mao et son clan. Mais ces affaires ont toujours été d’une très grande discrétion. Jamais le pouvoir n’a fait preuve d’une aussi grande fébrilité. Paradoxalement, verrouiller internet, cela fait du bruit. On ne le fait pas sans bonne raison.  Et que penser du torrent de soutiens unanimes à cette décision de la part de dirigeants du Parti ?

Incontestablement, Bo Xilai faisait, et fait peur. On peut analyser cette peur de deux manières. On peut voir dans cette affaire une simple « guerre de palais » qui aurait pris des proportions inhabituelles. Mais on peut la voir au travers du prisme des tensions sociales qui deviennent chaque jour un peu plus insupportables en Chine. Dans cette hypothèse, c’est de la réaction de la classe populaire chinoise, largement laissée pour compte de la croissance et séduite par le discours « redistributeur » de Bo, dont Pékin aurait peur.

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