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Un vent de fronde souffle au sein du Parti communiste chinois.

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Rien ne va plus en Chine. Alors que les tensions s’intensifient avec Taïwan et les Etats-Unis, le pays traverse une longue période de ralentissement économique. Pour ne rien arranger, la venue de l’hiver favorise une nouvelle vague de pollution depuis mi-octobre, dont l’intensité irrite les habitants des grandes villes et les médias. Enfin, la détention de musulmans dans des camps de travail forcé tend à raidir les alliés régionaux, majoritairement fidèles à l’islam. Sans compter l’arrestation de Meng Hongwei, chef de l’agence Interpol, par la police pékinoise. Ces événements suscitent un vent de fronde au sein de l’élite du Parti communiste chinois. Et dans le même temps, Xi Jinping appelle l’armée à se préparer à la guerre.

Deng Pufang (邓朴方), fils de Deng Xiaoping, critique la politique de Xi Jinping, 30 octobre 2018.
Deng Pufang (邓朴方), fils de Deng Xiaoping, critique la politique de Xi Jinping, 30 octobre 2018.

« La Chine devrait connaître sa place ! » a déclaré Deng Pufang, le fils de Deng Xiaoping, ce 30 octobre 2018. Protégé par sa parenté, l’influent homme politique n’a pas hésité à renchérir : « le gouvernement doit rester sobre ! ». Il partage certainement l’idée promue par son père, du temps ou ce dernier dirigeait le pays, résumée en un précepte : « Se mettre en retrait et attendre son heure ». Toujours est-il que ce pied de nez à la politique menée par Xi Jinping est inédit. Jusqu’ici, les critiques se murmuraient en coulisse, dans la crainte de la prochaine purge. Cependant, cette saillie témoigne d’un changement. L’opposition silencieuse se considère assez dense pour oser élever la voix. Le maître de la Chine semble affaibli.

La parole se libère. Le professeur libéral Zhang Weiying ne s’est pas privé, ce même mois, de déclarer à la prestigieuse université de Pékin que « le modèle chinois est erroné ! Il ne peut mener qu’à la confrontation avec l’Occident ! ». Un outrage. Bien que les convictions politiques de Zhang Weiying s’opposent à celles de Xi Jinping, sa qualité de professeur l’avait muselé jusqu’alors. De son côté, Yuan Peng, président de l’institut chinois des relations internationales contemporaines, a publié un plaidoyer en faveur d’une relation de paix sino-américaine. Tout le contraire d’un président chinois qui souhaite « se préparer à la guerre » avec les EU. Ainsi, dans tous les domaines, l’opposition politique à Xi Jinping se manifeste, exceptée l’armée.

Derrière les critiques, deux visions politique s’affrontent

Le fait que Deng Pufang donne le coup d’envoi n’a rien d’anodin. Son père souhaitait ménager une démocratisation progressive de la société et une stratégie de retrait des conflits internationaux. Ses deux successeurs, Jiang Zemin et Hu Jintao avaient d’ailleurs été sélectionnés en amont par « le petit timonier », de son affectueux surnom chinois, pour accompagner ce programme. Xi Jinping est le premier président chinois à sortir de l’ombre politique de Deng Xiaoping. Et sa ligne, celle d’une gauche autoritaire, rompt 30 ans de continuité libérale.

Li Keqiang (李克强), premier ministre de Xi Jinping, défend la ligné politique héritée de Deng Xiaoping.
Li Keqiang (李克强), premier ministre de Xi Jinping, défend la ligne politique héritée de Deng Xiaoping.

Malgré ses purges, le maître de la Chine demeure un colosse aux pieds d’argile. Sa ligne nationaliste et conservatrice déplaît à une grande partie de l’intelligentsia politique et universitaire accoutumée à un certain libéralisme. La présence inamovible d’un Premier ministre de l’opposition (Li Keqiang), et les larges mouvements de contestation suscitée par la suppression de la limite des mandats en mars 2018, témoignent de ces difficultés politiques que connaît Xi Jinping au sein du Parti.

Qui veut le pouvoir prépare l’armée

La pression économique qu’exercent les Etats-Unis, l’éloignement de Taïwan et les multiples difficultés rencontrées par le projet des Routes de la Soie contribuent à fragiliser un peu plus la position délicate du président chinois auprès de ses camarades; un président qui ne souhaite pas une guerre avec Washington. En effet, même le plus enthousiaste des chefs d’état major ne pourrait miser sur une victoire militaire chinoise en cas de conflit. Les effets d’estrades du chef de guerre Xi Jinping, qui met l’Armée Populaire de Libération en alerte, sont en réalité probablement destinés à ses rivaux politiques. Le message est clair : « l’armée est avec moi ». Comme sous Mao ou Deng Xiaoping, il est fort à parier que Xi Jinping n’hésitera pas à s’en servir. Les opposants sont prévenus : il n’y aura pas de révolution de palais. Car si le président chinois connaît des oppositions politiques, les généraux et l’armée lui sont, eux, entièrement dévoués.

Sources:

https://www.scmp.com/news/china/diplomacy/article/2170739/chinas-future-rests-mending-fences-united-states

https://www.scmp.com/news/china/politics/article/2170447/economist-slams-china-model-inevitably-leads-confrontation-west

https://www.scmp.com/week-asia/opinion/article/2170377/china-should-thank-trump-and-stop-using-trade-war-excuse-confused

https://www.telegraph.co.uk/news/2018/10/30/deng-xiaopings-son-urges-china-know-place-counterpoint-xis-expansionist/

https://www.rfa.org/mandarin/zhuanlan/yehuazhongnanhai/gx-10292018145314.html

Discours de Deng Pufang:

http://news.dwnews.com/global/news/2018-10-30/60094458.html

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2 réflexions sur “Un vent de fronde souffle au sein du Parti communiste chinois.

  • Pepito

    Bof… Des erreurs dans cet article, dont les sources sont d’ailleurs à prendre aec précaution.
    Ralentissement économique ? Cela fait 15 ans qu’on nous rabâche la même chose et il ne se passe rien.
    Opposition politique ? Deux ou trois cas donnés comme exemples, c’est rien.

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    • Noe Hirsch

      Bonjour,

      L’objet n’est pas de montrer que la Chine irait vers un hypothétique effondrement économique, mais simplement de donner un contexte, étayé par les chiffres. Le chômage en Chine augmente,la croissance diminue, et les données maquillées concédées par le gouvernement témoignent tout de même de difficultés.
      L’importance de l’opposition politique peut seulement être estimée, néanmoins ces événements laissent apparaître un faisceau d’indice assez conséquent pour être notifié.
      Les critiques faites par des personnalités éminentes témoignent d’une base plus élargie. Voici ce qui se passait il y a quelques mois encore, quand un universitaire retraité formulait des critiques à l’égard de Xi Jinping:
      https://www.telegraph.co.uk/news/2018/08/03/chinese-government-critic-arrested-home-live-interview/
      Par ailleurs, le think tank (conservateur) Jamestown Fondation pressentait déjà de premiers timides mouvements de crispation au sein du Parti en août dernier:
      https://jamestown.org/program/xis-grip-on-authority-loosens-amid-trade-war-policy-paralysis/
      Le format de l’article et sa dimension « actuelle » m’ont empêché d’établir un catalogue des dissensions, mais je vous renvoie notamment au lien ci-dessus pour l’étoffer.

      Néanmoins, l’importance de ce phénomène est sujet à discussion. Mais je ne pense pas, personnellement, que ça ne représente rien.
      Cordialement

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