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Et si l’Allemagne était responsable de la crise des dettes européennes?

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A entendre les purotins grecs, espagnols, irlandais, chypriotes, l’Allemagne est à la source de tous les malheurs européens. Théoricienne de la cure d’austérité comme remède à tous les maux, l’Allemagne impose sa vision de l’Europe depuis l’éclatement de la crise des dettes souveraines. Pour être vertueux, chaque pays devrait se servir de ses propres forces pour redresser son économie par un « choc de compétitivité », dernière allégorie pour désigner les baisses de salaires, les règles budgétaires et les politiques structurelles. Ces mesures sont inéluctables : les niveaux d’endettement sont les plus élevés depuis la Seconde Guerre mondiale. Mais, par delà le débat sur la faisabilité de telles mesures, plus personne ne parle des causes de la crise. Et si les manifestants d’Europe du Sud avaient raison ? Et si l’Allemagne endossait une large responsabilité ?

La réussite allemande s’enracine dans la cure de rigueur menée par Schröder. Les réformes pour stabiliser voire diminuer le coût horaire du travail, couplées aux efforts d’innovation pour monter en gamme, donc améliorer les marges et profits des entreprises, ont renforcé la compétitivité et dopé les exportations. Dans le même temps, le gel des salaires a handicapé la demande des 80 millions de consommateurs allemands, marché immense soudain condamné à l’effort. Le vieillissement de la population a amplifié ce phénomène par la propension à épargner en prévision des beaux jours des ménages les plus proches de la retraite. Les importations chutèrent. De cette politique et de ce phénomène démographique naîtra le fameux excédent commercial allemand.

Les contempteurs du modèle rhénan affirment que par sa politique sociale rude et par la non-redistribution des bénéfices réalisés par ses entreprises aux salariés, l’Allemagne a réduit sa demande donc incité les entreprises qui se nourrissaient sur son marché à aller chercher à l’exportation d’autres relais de croissance. En résumé, l’Allemagne aurait fermé son marché par la plus efficace des barrières protectionnistes : l’autodestruction pure et simple de sa demande intérieure. Pour peu coopérative qu’elle fût, la solution n’est pas choquante car à l’inverse de ses voisins européens, l’Allemagne a su accompagner ses entreprises à l’exportation par l’aménagement de vastes ensembles portuaires le long de son artère vitale, le Rhin, et par des dispositifs fiscaux incitatifs efficaces, en particulier pour les grosses PME.

On oublie en revanche que l’énorme excédent extérieur accumulé par l’Allemagne a été majoritairement investi en actifs extérieurs risqués et que l’épargne allemande a permis le financement des déficits de l’Europe du Sud par des crédits à taux très bas. Dès que le risque augmenta, l’épargne allemande se re-nationalisa. En résultent des spreads toujours plus hauts entre les taux d’intérêts allemands et français (négatifs) et les taux du Sud. L’arrivée et la sortie de l’excèdent extérieur et de l’épargne allemande auront donc favorisé la constitution et l’éclatement de la bulle européenne.

La thèse est piquante et bien sûr trop caricaturale pour être sérieuse. Mais elle fait apparaître qu’à trop bougonner, on oublie que les Allemands ont également un rôle à assumer dans la résolution de cette crise.

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