Rajoy remporte son marathon face au Parlement Espagnol
Après des mois de crise institutionnelle, Mariano Rajoy est parvenu à obtenir la confiance du parlement espagnol grâce à l’abstention des députés socialistes. Retour sur un véritable marathon politique et sur les (nombreux) défis proposés au nouveau gouvernement.
Jamais l’Espagne n’avait connu telle situation. Historiquement marquée par un bipartisme fort entre le Parti Populaire (PP/Droite) et le Parti Socialiste et Ouvrier Espagnol (PSOE/Gauche), la vie politique espagnole a été profondément désordonnée par deux facteurs : la crise économique et la corruption. En effet, l’accumulation de la crise économique puis de la crise financière a complètement ébranlée un pays qui connaissait des taux de croissance et un dynamisme relativement importants. L’incapacité des gouvernements successifs de José Luis Zapatero puis de Mariano Rajoy à répondre aux défis proposés a plongé l’Espagne au bord du précipice avec un chômage de masse et une explosion des déficits publics, bien que la situation économique espagnole se soit améliorée au cours de ces dernières années. Quant-à la corruption, elle a miné les états-majors des deux grands partis historiques, renforçant la volonté d’une partie de la population de chercher une voie alternative. C’est dans ce contexte qu’ont surgi deux nouveaux mouvements politiques, Podemos (Gauche) et Ciudadanos (Centre-Droit) : les dernières législatives ont entériné la naissance d’une vie politique quadripartite en Espagne.
Mariano Rajoy, chef du gouvernement espagnol depuis 2011 et président du Parti Populaire a été reconduit dans ses fonctions le 29 octobre à la suite d’un vote de confiance au Congrès. Le soutien des députés de Ciudadanos ainsi que l’abstention de ceux du PSOE ont permis à l’Espagne de mettre provisoirement fin à une immense crise institutionnelle. Depuis dix mois, le pays se retrouvait bloqué, les élections législatives des 20 décembre et 26 juin derniers n’ayant pas réussi à dégager majorité de par leur système d’élection à la proportionnelle. Le PP n’a recueilli en juin que 137 sièges, contre 85 au PSOE, 71 pour Podemos et 32 pour Ciudadanos. Aucun parti ne pouvant se prévaloir d’une majorité absolue à 176 sièges, la nécessité de créer une coalition de gouvernement explique les difficultés des derniers mois. C’est uniquement sur une majorité simple, au second tour du vote, que Mariano Rajoy a conservé la tête de l’exécutif espagnol. Finalement, cette année de tumulte résume en quelque sorte sa carrière de véritable marathonien politique : défait en 2004 puis en 2008 face à Zapatero, il était arrivé au pouvoir en 2011 en promettant qu’il ne « ferait pas de miracles ».
Rajoy n’a remporté qu’une bataille, le plus dur est devant lui
La nouvelle mandature du conservateur Mariano Rajoy s’annonce toutefois extrêmement compliquée et ne solutionne pas la crise politique du pays. Il se devra de rechercher pour tout texte de loi un compromis avec les autres formations ce qui pourrait l’empêcher d’imposer des réformes structurelles, les membres du PSOE ayant annoncé malgré leur abstention lors du vote d’investiture leur intention de mener la vie dure au gouvernement. D’ailleurs, Mariano Rajoy a immédiatement brandi la menace de la dissolution et des élections anticipées pour mai 2017 dans le cas où l’opposition bloquait toute avancée législative. Ce dernier sait que la décision de s’abstenir a considérablement affaibli le PSOE, qui devra reconstruire son image auprès des sympathisants de gauche : la décision de permettre à la droite de gouverner a été particulièrement mal prise chez nombre d’entre-eux. D’ailleurs, l’ancien leader du parti, Pedro Sánchez a dû se résoudre à quitter, en larmes, son siège de député. Nul doute que l’aide du PSOE à Rajoy renforcera dans les prochains mois la position anti-système de Podemos ou Ciudadanos. Cet événement est cependant une grande désillusion pour Pablo Iglesias et Podemos, qui espéraient s’imposer à la manière de Syriza en Grèce. Le parti anti-austérité a perdu un million de voix entre les législatives de décembre et juin.
Parmi les discussions à venir, telles que la réforme des retraites, l’éducation, les déficits publics ou l’indépendantisme catalan, Rajoy devra faire face d’intenses batailles parlementaires. Dès la formation de son gouvernement le 3 novembre, il a d’ailleurs annoncé maintenir le cap de la rigueur budgétaire initiée lors de sa première mandature, avec des coupes de 5,5 milliards d’euros pour 2017. Contesté alors jusque dans son propre camp, le parcours de Rajoy doit pourtant certainement en inspirer plus d’un de l’autre côté des Pyrénées …