La dimension européenne des enjeux de l’élection présidentielle en Bulgarie
Pour succéder à l’actuel chef de l’Etat Rossen Plevneliev, pas moins de 21 candidats se présentent à l’élection présidentielle en Bulgarie. A l’issue du premier tour qui s’est déroulé dimanche 6 novembre, l’ancien patron des forces militaires aériennes Roumen Radev, soutenu par le parti socialiste bulgare (Bulgarska sotsialisticheska partiya – BSP), est arrivé en tête des suffrages, devant l’actuelle présidente de l’Assemblée nationale Tsetska Tsacheva, soutenue par le Parti conservateur GERB. Au-delà des stratégies politiques internes qui lui sont intrinsèques, cette élection soulève un ensemble d’enjeux qui ne se posent pas seulement à la Bulgarie, mais à l’Union européenne dans son ensemble.
La Bulgarie entre stigmates du passé et transition démocratique
Le premier ministre et leader du GERB Boïko Borissov avait annoncé sa démission si sa candidate, Tsetska Tsacheva, ne remportait pas l’élection dès le premier tour. Malgré la seconde place de cette dernière, le chef du gouvernement a souhaité repousser son éventuel retrait, qui dépendra de l’issue du second tour de ce scrutin présidentiel. Son premier mandat avait pris subitement fin en février 2013, suite à de nombreuses manifestations contre la corruption et les difficultés économiques du pays. Plusieurs citoyens bulgares s’étaient immolés en signe de protestation. Certains dirigeants politiques avaient alors été pointés du doigt pour leur connivence avec certaines compagnies énergétiques.
Depuis, des réformes ont été entreprises et la Bulgarie a retrouvé une certaine stabilité, bien que le pays reste l’Etat le plus pauvre de l’Union européenne. Cette élection intervient donc à l’heure où la population bulgare est consciente de l’état actuel de la condition sociale, économique et politique du pays. Pour l’heure, l’ex-pilote de l’air Roumen Radev est annoncé comme le favori pour remporter ce scrutin. Celui-ci devrait en effet profiter du report des voix d’Ivailo Kalfin, candidat d’un petit parti de centre gauche (3,4% au premier tour), de Plamen Orecharski, ancien Premier ministre bulgare issu de la formation Mouvement des droits et libertés (7,1% au premier tour) mais aussi d’une partie de l’électorat de Krassimir Karakatchanov (alliance Patriotes unis).
Une élection nationale, des défis européens
La rose des Balkans[1] est aujourd’hui au cœur d’un ensemble de problématiques qui ne s’adressent pas seulement à ce petit pays de 7 millions d’habitants, mais à l’Union européenne toute entière. L’ancien ambassadeur de France en Bulgarie S.E.M Xavier Lapeyre de Cabanes rappelait en mai 2016 que la Bulgarie est un pays qui est, du fait de sa géographie et comparativement à de nombreux Etats membres, directement soumis à un plus fort taux de demandes d’asile (tout comme la Grèce, l’Italie, l’Espagne). Cette évolution est la résultante de la « crise des réfugiés » qui secoue l’Union européenne depuis de nombreux mois. Celle-ci a poussé l’Etat bulgare à édifier un mur de près de 130 km à sa frontière avec la Turquie, faute de pouvoir endiguer les flux de migrants en provenance de Syrie, d’Irak, ou encore d’Afghanistan. Or, cela ne peut être une solution, et malgré différentes mesures d’urgence prises par le gouvernement bulgare (construction de centres d’accueil près de la frontière) alimentées par quelques aides financières en provenance de Bruxelles, la réponse à ce défi doit être européenne.
La Russie est aussi l’un des sujets principaux de cette élection présidentielle. Il y a tout d’abord l’héritage russe en Bulgarie. La force des relations culturelles et identitaires entre la population bulgare et russe est puissante. De plus, L’emprunte économique russe, calculée en tenant compte de la présence d’entreprises russes en Bulgarie, d’investissements directs et du taux d’échanges économiques entre les deux pays, représente ¼ du PIB bulgare. La quasi-totalité des énergies utilisées par le pays est importée de Russie (pétrole, gaz naturel, combustibles nucléaires), ce qui en fait un levier d’influence de Moscou. En cas de victoire lors du second tour, le candidat Roumen Radev souhaite initier une politique mêlant une préservation de valeurs euro-atlantiques et une ouverture réelle envers la Russie. Sa rivale, Tsetska Tsacheva, a quant à elle fait part de sa volonté de marcher dans la voie pro-européenne que défend l’actuel Président Rossen Plevneliev.
Au-delà du rapport de l’Union européenne à la Russie et de la gestion des flux de réfugiés à laquelle Bruxelles fait face, la mobilité des jeunes sur le territoire européen, les difficultés sociales et économiques de certaines régions au sein de l’UE, la corruption de certaines classes dirigeantes ou encore les limites géographiques de l’UE sont autant de questions qui se posent à Sofia comme à Bruxelles. C’est à travers ces enjeux que l’élection présidentielle tout comme le devenir de l’Union européenne prennent tout leur sens. Le second tour de l’élection aura lieu le 13 novembre prochain.
[1] Ce nom a été utilisé par Ivan Iltchev, professeur d’Université à Sofia, pour désigner la Bulgarie dans un de ses ouvrages.