Polémique autour de la visite de Kadhafi en Italie
Accueilli par le ministre des Affaires étrangères italien, Franco Frattini, ainsi que Silvio Berlusconi hier, la visite de Kadhafi devait symboliser le deuxième anniversaire du traité d’amitié italo-libyen établi à titre de réparation des dommages causés à la Libye entre 1911 et 1943, autrement dit durant la colonisation. Ce dernier, signé en 2008, doit rapprocher ces deux pays dans les domaines économiques, culturels, scientifiques, technologiques, etc. Les investissements italiens dans les vingt prochaines années devraient ainsi atteindre cinq milliards de dollars en Libye, un montant tout de même conséquent.
Si le début des débats a concerné des thèmes usuels, comme la place de l’Afrique dans le monde, ou des accords économiques et militaires notamment, Kadhafi n’a pas tardé à commencer à faire parler de lui via des déclarations engagées et déplacées. Il a ainsi indiqué que l’Europe était, au même titre que le monde arabe, une terre d’Islam et était donc vouée à l’islamisation qu’il a par ailleurs prônée. De tels propos, prononcés dans un des fiefs de l’Europe chrétienne, ne pouvaient que mettre le feu aux poudres chez les services médiatiques italiens. Dire que « l’islam doit devenir la religion de toute l’Europe » est une preuve d’intégrisme de la part de Kadhafi, le « roi des rois traditionnels d’Afrique » comme il se fait appeler. Par ailleurs, ce dernier a prononcé, devant un rassemblement de 500 jeunes femmes, un discours en faveur de la conversion et les a invitées à épouser des hommes libyens.
De son côté, Berlusconi a souligné que tout cela n’était « que du folklore », à croire que les intérêts économiques priment sur l’indécence des propos du chef d’Etat libyen, argument qui a évidemment pu être employé pour plomber un peu plus la côte de popularité de sua Emittenza. Mais ce numéro de cirque a-t-il sa place dans un pays laïc, dans une Europe laïque, où toute subordination religieuse a disparu ? Sans doute pas. Si Kadhafi use et abuse de son pouvoir c’est qu’il ne craint pas de le perdre. Mais les frasques du Colonel Kadhafi ne s’arrêtent pas là. Annonçant que « peut-être que, demain, l’Europe ne sera plus européenne, voire sera noire, car [les Africains] sont des millions à vouloir venir », il a demandé une aide de cinq milliards de dollars par an de la part de l’Union Européenne afin de lutter contre l’immigration clandestine.
Pourtant, il faut bien reconnaître une certaine bravoure à Kadhafi, celle de ne pas laisser son pays et ses ressources en hydrocarbure se faire simplement piller par les puissances européennes. Mais obtenir le respect international mérite-t-il un tel spectacle ? Et les écarts de Kadhafi ne servent-ils pas, au contraire, à le ridiculiser ? En Occident peut-être, dans le monde arabe sans doute pas…