La Grande-Bretagne ou le rejet de l’héritage keynésien
Alors que la Grande-Bretagne entame un plan drastique de réduction des dépenses publiques (de 92 milliards d’euros par la suppression de près de 500 000 emplois publics et par le recul de l’âge de la retraite de 65 à 66 ans notamment), que la France et l’Allemagne se tournent également vers la stratégie de « la rigueur » pour amorcer et/ou consolider la sortie de crise, il semble bien que les débats concernant les politiques économiques à mener en Europe ne s’attachent plus qu’à déterminer le rythme auquel l’Etat doit se serrer la ceinture. Quid de Keynes et de sa théorie affirmant la nécessité du maintien d’une demande stable ?
Pour Joseph Stiglitz, le plan britannique est « pratiquement sans gain potentiel ». Outre son caractère inédit et somme toute inégalitaire (les 10% les plus pauvres ainsi que les femmes, représentant 65% des employés dans le secteur public, seront les plus lourdement touchés par les mesures d’austérité) voici son raisonnement : l’austérité entraînant un ralentissement de la croissance donc une baisse de la demande, ce sont les recettes fiscales qui vont chuter. A cela vont s’ajouter une dégradation des compétences des chômeurs en raison des coupes budgétaires qui touchent particulièrement les agences de formation et in fine l’augmentation de la dette nationale. D’où sa conclusion : on ne peut se permettre de mener une politique d’austérité.
Si l’idée de la relance a quelques échos favorables dans certains discours démocrates aux Etats-Unis, elle est quasi-inexistante dans le débat politique européen ; en particulier en Grande-Bretagne où la réduction du déficit (actuellement à 11% du PIB, rappelons que les critères européens fixent la limite à 3%) est une priorité. Il s’agit évidemment d’envoyer des signes positifs pour rassurer les marchés financiers. Les dirigeants européens espèrent en effet une sortie de crise par la reprise du secteur privé pour tirer la croissance, faute de quoi on pourra toujours invoquer Keynes, grand économiste britannique s’il en est.