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La Grèce, nouvel acteur du conflit libyen

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Le 19 janvier, onze pays se sont réunis à Berlin pour un sommet sur la Libye. Le but était de trouver une solution face au risque de reprise du conflit. Si la Turquie était présente, la Grèce n’a pas été invitée, alors que les tensions entre les deux Etats s’exacerbent en Méditerranée orientale.

Haftar se rapproche de la Grèce
Le maréchal Haftar

La rivalité greco-turque en Libye

La Turquie a signé un accord avec le Gouvernement d’Union Nationale (gouvernement Sarraj) en décembre 2019. Celui-ci autorisait le déploiement de troupes turques sur le sol Libyen, tout en délimitant les Zones Économiques Exclusives entre les deux États en Méditerranée orientale. Cet accord permet à la Turquie deux choses sur le plan économique. Tout d’abord, cela redessine la carte des ZEE en Méditerranée. En effet, Ankara convoite les importantes ressources de gaz dans la Méditerranée. Celles-ci se trouvent principalement dans les eaux chypriotes, égyptiennes, israéliennes et libanaises. Le découpage des ZEE par la Turquie et le gouvernement Sarraj viole les ZEE déjà reconnues de la Grèce, de Chypre et de la Turquie, au profit d’Ankara. Le deuxième intérêt turc est de reprendre pied en Libye. Lors de la chute de Kadhafi, plusieurs contrats pour des entreprises turques sont devenus caducs. L’influence économique turque ne peut continuer que grâce au gouvernement islamiste de Sarraj, proche idéologiquement et économiquement d’Ankara.

Côté grec, l’expansionnisme turc inquiète. Des tensions existent déjà autour des îles Imia (en grec) ou Kardak (en turc) en mer Egée. Celles-ci sont inhabitées mais permettent d’agrandir la ZEE de l’État qui les contrôle. C’est le cas de la Grèce actuellement. De plus, plusieurs discours nationalistes ont été prononcés en Turquie. Le plus connu est celui de Rize par Erdogan en 2016. Le Président turc y mentionnait les « frontières du cœur » et les territoires « historiquement turcs », notamment Thessalonique en Grèce. Erdogan parlait de réviser le Traité de Lausanne de 1923, dans lequel Ankara s’estime lésée, mais où la Turquie a agrandi son territoire par rapport au Traité de Sèvres de 1920 – aux dépens de la Grèce et de l’Arménie. La rhétorique nationaliste et la militarisation grandissante de la Turquie, notamment en Méditerranée orientale, inquiètent naturellement la Grèce. L’accord turco-libyen renforce l’image d’une Turquie expansionniste à Athènes.

Le sommet de Berlin, favorable à la Turquie et hostile à la Grèce ?

Aujourd’hui, l’ordre régional en Méditerranée orientale inclut principalement la Grèce, l’Egypte, Israël et Chypre. Les quatre pays coopèrent en matière de sécurité et d’énergie. Ankara a des relations difficiles avec chacun d’entre eux, et cherche à sortir de son isolement. Son intervention en Libye lui a permis de marquer des points : les différentes parties libyennes sont invitées à Moscou pour éviter toute escalade, suivi du sommet de Berlin. Lors de ce sommet international, la Turquie est présente, mais pas Athènes.

La Grèce a immédiatement réagi. Le Premier ministre Mitsoakis a annoncé que la Grèce opposerait son veto, en tant que membre du Conseil Européen, à tout accord qui ne remettrait pas en cause le découpage des ZEE de l’accord turco-libyen. Athènes manifeste ainsi sa colère vis-à-vis de l’Europe, plus qu’une implication réelle dans la crise libyenne. L’Allemagne n’a pas vraiment fourni de réponse sur la non-invitation de la Grèce, expliquant que les raisons ne peuvent être révélées publiquement. Rappelons par ailleurs que la Tunisie, frontalière de la Libye, n’a pas été invitée à Berlin non plus. Suite à l’indignation, une invitation a tout de même été envoyée, mais Tunis a refusé d’y participer. Le sommet de Berlin a donc créé de nouvelles tensions avant même d’avoir commencé.

L’implication grandissante d’Athènes dans la crise libyenne

Ce qu’Athènes perçoit comme une exclusion a favorisé un rapprochement entre le général Haftar et la Grèce. En revenant de son voyage à Moscou, où il n’a signé aucun accord, Haftar s’est secrètement arrêté à Athènes. La Grèce a de son côté expulsé l’ambassadeur du gouvernement Sarraj. Haftar, déjà soutenu par l’Egypte, la Russie et les Emirats, semble gagner un nouvel allié. Un compte twitter non-officiel mais proche de l’Armée Nationale Libyenne (armée de Haftar) a également montré son soutien à la Grèce.

Le sommet de Berlin a toutefois laissé quelques signaux positifs pour Athènes. Tout d’abord, un rapprochement semble possible avec les Emirats ou l’Arabie Saoudite, qui soutiennent Haftar. Les Emirats cherchent notamment à ouvrir une base militaire au Niger, en soutien à Haftar. Une coopération sur les questions de sécurité est donc possible à l’avenir. Côté européen, la France semble manifester une solidarité de plus en plus ostensible. Emmanuel Macron a exigé le retour des supplétifs syriens de la Turquie en Libye. La marine grecque doit également faire partie de l’escorte du porte avion Charles de Gaulle, ce qui est perçu comme un rapprochement clair entre les marines grecque et française.

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