Mark Rutte : l’arrivée au pouvoir du Premier ministre néerlandais (1/4)
Le 7 juillet 2023, le Premier ministre néerlandais Mark Rutte a présenté sa démission. Cette décision découle d’une série de désaccords persistants au sein de la coalition gouvernementale parmi lesquels figure, au premier rang, la politique d’asile. Couramment surnommé “Téflon” pour sa capacité de résilience politique, Mark Rutte se retire finalement après 13 longues années à la tête du gouvernement des Pays-Bas, record de longévité pour le pays.
La genèse de l’engagement politique de Mark Rutte
Issu d’une famille de la classe moyenne néerlandaise, Mark Rutte voit le jour le 14 février 1967 à La Haye. Il est le cadet d’une fratrie de sept enfants. Naviguant entre sa passion du piano et son intérêt grandissant pour la politique, il entame des études d’histoire au sein de l’Université de Leyde. Il obtient son diplôme en 1992. Durant cette période, il formalise son engagement politique en présidant le mouvement de jeunesse du Parti populaire pour la liberté et la démocratie (VVD) entre 1988 et 1991. Mark Rutte intègre ensuite l’International Institute for Management Development (IMD) de Lausanne, en Suisse.
Commençant sa carrière dans le privé au sein de la multinationale néerlando-britannique d’Unilever en tant que gestionnaire des ressources humaines, Mark Rutte monte progressivement les échelons des fonctions rattachées aux ressources humaines. Il maintient parallèlement son engagement politique en siégeant à la direction du VVD entre 1993 et 1997.
L’aboutissement professionnel survient en février 2002 avec sa promotion au poste de directeur des ressources humaines d’IGLOMora BV, filiale d’Unilever. Fonction qu’il n’exerce que cinq petits mois. En effet, Mark Rutte attire rapidement l’attention du gouvernement de Jan Peter Balkenende pour ses compétences de gestion du personnel au sein d’Unilever. Sa nomination au gouvernement le 22 juillet 2002 s’accompagne de sa démission d’IGLOMora BV.
Les débuts politiques de Mark Rutte
Mark Rutte amorce son parcours gouvernemental en tant que secrétaire d’État chargé de l’emploi, de la sécurité sociale et des retraites sous la direction d’Aart Jan de Geus. Consécutivement à la démission du ministre de la santé, Eduard Bomhoff, l’alliance gouvernementale de centre-droit s’effondre rapidement. Mark Rutte est reconduit dans sa fonction par la nouvelle coalition au pouvoir, formant le cabinet Balkenende II.
Il est notamment à l’origine de la loi sur le travail et l’assistance sociale (WWB) du 1er janvier 2004. Cette dernière fait appel aux autorités locales pour réorganiser la politique d’insertion professionnelle et d’assistance sociale du pays.
Le 17 juin 2004, il accède à la fonction de secrétaire d’État à la formation professionnelle, à l’enseignement supérieur et à la vie étudiante sous la direction de Maria van der Hoeven. Poste qu’il occupe pendant plus de deux ans.
Les élections législatives de mars 2006 aux Pays-Bas marquent un tournant. Les fortes attentes du VVD ne sont pas atteintes. Le parti sous-performe avec seulement 13,8 % des votes, entraînant une perte de 128 sièges. Conséquemment, le leader parlementaire du VVD, Jozias van Aartsen se retire. Une campagne électorale s’ensuit, avec la victoire de Mark Rutte. Il quitte le gouvernement le 27 juin 2006 pour assumer ses nouvelles responsabilités au sein du parti dès le lendemain.
Malgré son accession à la tête du VVD, la lutte interne pour le leadership demeure féroce. Les élections à la chambre des représentants de novembre 2006 accentuent cette tendance à travers une première historique. Rita Verdonk obtient davantage de voix que Mark Rutte, chef de parti.
Néanmoins, le VVD rebondit progressivement et les membres du parti réitèrent leur confiance en Mark Rutte. En 2007, suite à des prises de position très critiques envers son propre parti, le VVD, Rita Verdonk est exclue de la formation politique. Mark Rutte peut alors peaufiner son programme politique en prévision des prochaines élections législatives.
Le contexte des législatives néerlandaises de 2010
La démission du gouvernement Balkenende IV en février 2010 entraîne la tenue d’une nouvelle élection législative anticipée. Bien qu’initialement prévue en mai 2011, elle est avancée en juin 2010. Le principal point de discorde au sein du gouvernement concerne les opérations militaires néerlandaises dans la province d’Uruzgan, en Afghanistan.
À cette période, les Pays-Bas sont confrontés à plusieurs enjeux mis en exergue lors des campagnes électorales.
Tout d’abord, le pays doit faire face à une relative instabilité politique. Malgré la longévité du mandat de Jan Peter Balkenende (8 ans), le gouvernement dirigé par le Premier ministre du parti de l’Appel Chrétien-Démocrate (CDA) ne parvient pas à son terme pour la troisième fois sur quatre coalitions successives. Chaque nouveau gouvernement nécessite une nouvelle alliance politique, entravant la formulation de politiques à long terme.
Ensuite, les Pays-Bas font également face à des enjeux économiques majeurs. Tout comme d’autres pays européens, la grande récession issue de la crise mondiale de 2008 frappe durement le pays. La croissance économique des Pays-Bas passe de +3,8 % en 2007 à -3,7 % en 2009, selon la Banque Mondiale. De plus, la crise de la dette grecque suscite des inquiétudes parmi les électeurs concernant le niveau d’endettement des Pays-Bas.
Enfin, bien que la gestion de l’immigration ait été un enjeu majeur lors des élections précédentes, elle est quelque peu reléguée au second plan en 2010.
Campagne et élection : Mark Rutte (VVD) au pouvoir
Le VVD confirme rapidement en tête de liste Mark Rutte, pour la seconde fois. Il lance sa campagne dès le mois de mars sur le thème de l’austérité. Mark Rutte soutient une diminution de 20 milliards d’euros de dépenses annuelles de l’État, à partir de 2015. Il envisage notamment la limitation des coûts administratifs et des coupes dans les dépenses sociales sont au programme. Son principal objectif est de ramener à zéro la dette publique nationale.
Mark Rutte souhaite également durcir la politique d’immigration des Pays-Bas en imposant l’apprentissage obligatoire de la langue néerlandaise et en prévoyant la suppression des aides publiques pendant 10 ans pour les étrangers qui obtiendraient le droit de s’installer dans le pays.
Les résultats des élections législatives donnent légèrement gagnant Mark Rutte (VVD) avec 31 sièges. Il devance Job Cohen, bourgmestre d’Amsterdam et représentant le Parti travailliste (PvdA) avec 30 sièges, Geert Wilders, fondateur du Parti pour la liberté (PVV) avec 24 sièges, Jan Peter Balkenende, l’ancien Premier ministre (CDA) avec 21 sièges et Émile Rœmer du parti socialiste (SP) avec 15 sièges.
Le 7 octobre 2010, Rutte est nommé formateur du nouveau gouvernement par la reine Béatrix. Le cabinet Rutte I prête serment le 14 octobre 2010. La coalition minoritaire se compose du VVD et du CDA. Ils totalisent 52 des 150 sièges de la Seconde Chambre des États généraux. Le cabinet Rutte I est soutenu sans participation par le PVV de Geert Wilders.
Ainsi, Mark Rutte accède à la fonction de Premier ministre des Pays-Bas, marquant une étape historique pour le parti VVD, qui accède pour la première fois à la plus haute responsabilité gouvernementale.