L’Europe est-elle en train de se désagréger ?
Alors que les autres continents évoluent rapidement, l’Europe semble aujourd’hui paralysée et soumise à des forces centrifuges a l’intérieur comme à l’extérieur.
A l’intérieur, elle doit faire face à la restructuration de sa politique d’intégration économique. En effet, Berlin a exigé vendredi que tous les pays appartenant à la zone euro adhèrent à un nouveau pacte de stabilité nommé «pacte de compétitivité». Et ce pacte fait grincer des dents : la Belgique, l’Autriche et l’Irlande ont estimé qu’il menaçait leur modèle de société. «L’offensive allemande dans les Ardennes a commencé» dit un diplomate belge. Sous quelles conditions ? Abandon de l’indexation automatique des salaires qui existe encore en Belgique, en Autriche, au Portugal, au Luxembourg ou en Espagne. Inscription dans les constitutions nationales de l’équilibre budgétaire. Recul de l’âge de la retraite à 67 ans. Harmonisation de l’impôt sur les sociétés. Introduction d’un mécanisme de résolution des crises bancaires. Et augmentation des dépenses de recherche. Berlin a même sous entendu avant le sommet que Paris était d’accord, pour faire passer la pilule (ce qui a déplu à l’Élysée).
Les principaux concernés et les syndicats le prennent mal. Le plan devrait accroître les inégalités, la Belgique ne veut pas ajouter une crise sociale (avec l’abandon de l’indexation des salaires) à sa crise économique et l’Irlande refuse d’abandonner son atout majeur : son impôt sur les entreprises à seulement 14%. Pour calmer le jeu, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy se sont affichés ensemble et ont prôné la restructuration économique profonde de la zone euro pour une intégration politique et économique plus forte. Des ajustements seront possible et le texte devrait être approuvé début mars.
Mais à l’extérieur aussi l’Europe peine à se faire entendre. Par son absence de position commune au début de la crise égyptienne d’abord : l’Angleterre prônant un changement politique alors que l’Italie soutenait une continuité du régime. David Cameron a d’ailleurs poussé l’Union à faire montre de fermeté en menaçant le régime de Moubarak de lui retirer ses subsides (760 millions d’euros entre 2007 et 2010) s’il ne respectait pas un minimum les droits de l’homme. Puis vint le temps de la position commune qui appelait à un changement « maintenant ». Ça ne vous rappelle rien ? Oui, c’est la même position que celle de Barack Obama. Ce qui a énervé de nombreux diplomates européens. L’un d’eux lançant même : « Notre politique à propos de l’Égypte suit la politique américaine comme Burger King suit McDonalds ». Mme Ashton, faisant face à la première crise majeure de son service, devrait faire prochainement une visite en Égypte après une escale aux États-Unis.
Une Union européenne qui paraît donc bien désordonnée cependant on peut souligner que le processus d’intégration économique et politique n’a jamais été aussi fort. Les protestations sont d’ailleurs plus un effet de ce processus qu’une cause. De plus, les positions des membres sur la politique extérieure de l’Union sont aussi assez homogènes, si l’on prend en compte leurs intérêts multiples, et parfois contradictoires, dans cette région.