Les révolutions de couleur dans l’ex-URSS (1/5)
Les « révolutions de couleur » en Géorgie, Ukraine, Kirghizstan et Biélorussie de 2003 à 2005 mettent en avant le renouvellement politique réclamé en ex-Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) dont la transition démocratique a échoué. « Les révolutions sont les moteurs de l’histoire » disait l’Allemand Karl Marx. À travers ces mots, il traduit la rupture que peut engendrer une révolution modifiant profondément une société et le cours de son histoire. Le terme révolution implique une rupture avec un passé et l’importance des mouvements sociaux dans l’émergence d’un avenir nouveau.
Chute de l’URSS et aspirations démocratiques
L’arrivée de M. Gorbatchev au pouvoir en 1985 en URSS a fait souffler un vent nouveau. Partisan d’une libéralisation économique, politique et culturelle à travers la Perestroïka et la Glasnost, il entreprend des réformes pour moderniser un pays en perte de vitesse. D’un point de vue international, l’année 1985 marque le début de la fin de la guerre froide. En effet, étouffés par une économie vieillissante incapable de se renouveler, les Soviétiques entreprennent un désarmement nucléaire combiné à une pacification des relations avec les États-Unis. En 1989, les soldats de l’Armée rouge se retirent honteusement de l’Afghanistan dix ans après l’avoir envahi. Après la chute du mur de Berlin, les démocraties populaires de l’est se libèrent du joug soviétique.
Les réformes ne portent pas leurs fruits et peinent à améliorer le niveau de vie des différentes fédérations d’autant plus que le réveil des nationalismes enclenche à partir de 1990 des processus d’indépendance. Incarnée par la chaîne humaine de la voie balte de 687 km de long de Vilnius à Tallinn en passant par Riga, les pays baltes sont les premiers à proclamer leurs indépendances. Suivis de près par l’Arménie. L’année suivante, le reste des républiques socialistes soviétiques entérinent la chute de l’URSS. L’accès aux statistiques révèlent des pays souffrant d’un retard économique alliant obsolescence technologique et manque de diversité dans la production. Surtout, la fin de l’État soviétique nécessite la reconstruction d’un nouveau système politique et social.
La fin de l’Histoire et la transition démocratique ratée
Pour le chercheur en science politique américain, Francis Fukuyama, la fin de l’URSS marque la victoire de la démocratie libérale sur le communisme. Les valeurs occidentales, libérées d’un adversaire idéologique, devraient se répandre sur l’ensemble du globe marquant la fin de l’Histoire. Pour les anciennes républiques socialistes de l’URSS, la démocratisation n’est pas sans peine d’autant plus qu’elle emprunte des chemins différents. Les anciennes élites conservent un poids non-négligeable tandis que se forme une oligarchie organisée autour du pouvoir. Par ailleurs, les liens étroits construits avec la Russie durant l’époque soviétique restent tenaces. La Communauté des États indépendants créée en 1991 en est le parfait exemple.
Leonid Koutchma devient le Premier ministre de l’Ukraine en 1992 avant de devenir Président jusqu’en 2005. Ancien membre du parti communiste de l’URSS, ex directeur d’une usine d’armement et russophile, il cultive une image d’homme moderne mais ses années de pouvoir sont entachées par des scandales de corruption, des assassinats de journalistes et une gestion opaque des affaires économiques. En Biélorussie, Alexandre Loukachenko devient président de la Biélorussie. Lui aussi ancien membre du parti communiste de l’URSS, son régime est dénoncé pour les nombreuses restrictions des libertés publiques et atteintes aux droits de l’Homme. Dans le Caucase, la Géorgie d’Edouard Chevardnadze s’installe à partir de 1992 dans un régime répressif durant lequel les élections sont contestées. Enfin, le Kirghizstan, pays d’Asie centrale, se retrouve dirigé par Askar Akaïev à partir de 1990. Au fil des années, le pouvoir en place se durcit.
La couleur pour dénoncer l’héritage soviétique
Si la Géorgie, l’Ukraine, la Biélorussie et le Kirghizstan ne sont pas les seuls exemples d’une transition démocratique avortée, ces pays représentent les revendications des sociétés post-communistes. Portant un nom poétique représentant une fleur ou une couleur, elles illustrent les révolutions « modernes » portées par des nouveaux moyens d’action. En Géorgie, une rose était utilisée par le leader de l’opposition, Mikheïl Saakachvili. L’orange était la couleur du parti politique de Viktor Iouchtchenko, chef de file de la révolution en Ukraine. Au Kirghizistan, l’utilisation de la tulipe mit du temps à éclore. L’idée fleurit totalement après qu’Askar Akaïev critiqua vivement lors d’un discours l’ambition d’une révolution colorée par la population. Jaune ou rose, la tulipe recouvre une partie du territoire kirghiz. En Biélorussie, l’hypothèse la plus probable est l’utilisation par l’opposant Mikita Sasin d’une chemise en jean de couleur bleue comme symbole distinctif.
Par ailleurs, outre les pays de l’ex-URSS, d’autres États ont connu des révolutions colorées. En 2005, le Liban a connu la révolution du Cèdre. Quatre ans plus tard la République islamique d’Iran fait face à la révolte verte. De son côté, le peuple tunisien met fin au pouvoir de Ben Ali avec la révolution du jasmin en 2010. La géographie et l’histoire antérieure ne sont pas les mêmes mais les modes d’action sont similaires.
Des nouveaux modes d’action
Les révolutions colorées d’ex-URSS se seraient directement inspirés de la révolution des bulldozers serbes de 2000. Cette année-là, Slobodan Milosevic change la loi électorale afin de briguer un nouveau mandat. De nouvelles élections ont lieu en octobre mais les résultats sont contestés par l’opposition. La révolution, symbolisée par la destruction de la Radio Télévision Serbie (RTS) par un conducteur de bulldozer, Ljubisav Đokić, marque la chute du régime. Elle est marquée par l’absence de violence et l’utilisation de nouveaux modes d’action que sont les nouvelles technologies de l’information et de la communication ainsi qu’un rôle important des organisations non-gouvernementales (ONG). Ces dernières dénoncent des fraudes électorales et l’absence d’alternative politique. L’élite est accusée d’accaparer les richesses de tout le pays entraînant des difficultés économiques pour le reste de la population.
Les révolutions de couleur ont été influencé part les Occidentaux dont l’objectif était de grignoter le pré carré russe. Vladimir Poutine a notamment critiqué une stratégie occidentale de déstabilisation dont les conséquences auraient pu ébranler l’héritière de l’URSS. En 2011, des manifestations contestent le résultat des élections législatives donnant le parti de Vladimir Poutine vainqueur. L’opposant politique, Boris Nemtsov, parle alors de révolution blanche.
Les révolutions de couleur de Géorgie, d’Ukraine, du Kirghizistan et de Biélorussie présentent des similitudes d’action. Toutefois, les conséquences des événements ont divergé sur les vies politiques nationales. L’Ukraine et la Géorgie restent aujourd’hui des espaces d’influence entre l’Occident et la Russie.