Obama se serait-il décidé à condamner le coup d’état militaire en Egypte ?
Selon des responsables américains, Washington devrait annoncer prochainement qu’elle réduira pour partie l’aide militaire de 1,2 milliards de dollars accordée chaque année à l’Egypte. L’information n’est pas encore officielle, ni chiffrée, mais cela marque un changement de ton de la part des Etats-Unis : après des mois d’hésitation, Obama prend enfin position vis-à-vis du coup d’état militaire et des violences qui l’ont suivi.
La situation ne s’arrange guère en Egypte. Alors que les violences ne semblent pas vouloir s’arrêter entre sympathisants des Frères Musulmans et l’armée, cette dernière a déclaré l’organisation islamiste officiellement interdite. Cette décision s’étend à toutes les entités liées et à toutes ses sources de financement. Pour peu qu’un doute ait encore subsisté, il est maintenant avéré que les militaires au pouvoir ont écarté la voie de l’apaisement : le règlement des violences se fera par l’écrasement des Frères, ou par l’échec de l’armée…
Dans ce contexte, il est intéressant de noter que la manne américaine est principalement dépensée dans l’achat de pièces détachées, d’hélicoptères de combat de d’avions de chasse. Appareils ostensiblement utilisée par l’armée pour la « pacification » du Sinaï, zone particulièrement stratégique : bastion des sympathisants des Frères, le Sinaï est frontalier avec la bande de Gaza et Israël. Le message des militaires égyptiens est donc sans ambiguïté : l’aide de Washington sert à assurer la sécurité de l’Etat hébreu.
On l’a vu dans un précédent article, l’administration américaine se trouve dans une position difficile vis-à-vis de l’Egypte. Elle ne peut (ni ne veut) approuver le coup d’état et les violences de l’armée, mais n’a en réalité que peu de levier d’action. Suspendre l’aide, c’est pour Washington prendre le risque de voir l’Egypte totalement indépendante et donc incontrôlable. L’enjeu de la sécurité d’Israël, priorité absolue pour les Etats-Unis, impose « d’avaler les couleuvres » des militaires égyptiens, tout en prenant garde de ne jamais qualifier l’actuel gouvernement d’illégitime ou d’issu d’un coup d’état (ce qui rendrait illégale l’aide américaine).
Contraint par cette situation, Obama a donc choisi une solution médiane : réduire l’aide, sans la supprimer. Cela lui permet à la fois de condamner dans les faits l’attitude de l’armée (puisqu’il ne peut le faire par le verbe) sans (apparemment) perdre sa capacité d’influence sur le premier des pays arabes.
Si l’administration américaine peut ainsi masquer à son opinion et au monde le porte à faux diplomatique des Etats Unis, cette solution se limite à cet unique résultat. Dans les faits, réduire l’aide ne changera rien. L’armée égyptienne est de toute façon piégée dans sa répression violente, et ne peut risquer de changer de posture au risque de menacer son pouvoir. De plus, toute une partie de l’opinion égyptienne se réjouira de la perte d’influence des Etats-Unis sur son pays, renforçant ainsi la position politique des militaires. Enfin, le poids relatif des dollars de Washington diminue avec le temps et l’afflux d’aide des riches pays du Golfe terrifiés à l’idée de voir l’Egypte retomber aux mains de Frères Musulmans radicalisés par le coup d’état.