Où en est l’Afghanistan ?
Alors que l’Afghanistan a connu sa première passation démocratique le 29 Septembre dernier, le déroulement des élections a fragilisé la légitimité du pouvoir en place, sapant encore plus les fondations d’un Etat fragile.
Après près de 13 ans de présidence de Kharzai, les élections présidentielles afghanes de Juillet dernier devaient ouvrir un nouveau chapitre politique en Afghanistan sous de meilleurs auspices démocratiques. Toutefois, l’élection présidentielle a donné deux gagnants : Abdullah Abdullah et Ashraf Ghani, tous deux revendiquant la victoire. La tension était alors montée d’un cran, paralysant le système politique afghan. Mais les deux hommes, sous pression américaine, ont fini par déboucher sur un arrangement. Ghani devenant Président, et Abdullah occupant une sorte de poste équivalent à celui de Premier ministre.
Ashraf Ghani est donc la nouvelle tête au pouvoir en Afghanistan. Ancien fonctionnaire de la Banque Mondiale, cet anthropologue de formation a enseigné dans plusieurs universités américaines. Pour l’élection, il a donc dû réussir à se détacher de cet image de bourgeois occidentalisé, qui lui avait été fatale aux élections de 2009. Bien qu’ayant depuis repris une allure d’afghan plus traditionnel, l’homme porte un discours très moderne et réformateur : l’Etat de droit, lutte contre la corruption, droit des femmes. Son épouse, Rula Ghani, en participant activement à la campagne, incarne également ce changement.
Affaiblissement interne et ingérences étrangères
L’Etat afghan sort toutefois affaibli de cette élection. Elle a démontré l’absence de confiance des participants à l’élection dans l’Etat, plus perçu comme une source de rente et de pouvoir par les différents clans et ethnies, plutôt que comme une structure neutre au service de l’intérêt général. De plus, le règlement du contentieux électoral s’est fait en fonction du rapport de force entre les candidats, en dehors d’un cadre juridique rigoureux. Ces fraudes électorales massives accompagnées de cette forme d’arrangement entre élites, patronné par les américains, ont contribué à la fracture entre le peuple afghan et ses dirigeants.
Dans le même temps, les Talibans gagnent du terrain. Depuis six mois, le nombre d’attentats s’accroit, non plus contre les soldats de l’ISAF mais contre les bâtiments publics afghans. Dans le Sud et l’Est du pays, l’Etat n’a plus de réelle autorité sur ses territoires aux mains des talibans. De plus, l’élection et son dénouement qui se sont déroulés sous égide américaine ne fait que légitimer les mouvances anti-gouvernementales comme les Talibans. Face à cette menace, la solution passe par le Pakistan dont les liens avec les Talibans ont toujours été ambigus. Le président Ghani était récemment en déplacement à Islamabad, afin de traiter des questions de sécurité. Il évoqua même une relation à construire entre les deux pays comme celle construite entre la France et l’Allemagne après la Seconde Guerre Mondiale.
Un double défi se profile donc pour le nouvel exécutif afghan : légitimer le pouvoir en place et réaffirmer l’autorité de l’Etat ; réussir à s’émanciper des influences étrangères jouant sur son pays, principalement du Pakistan mais aussi des autres acteurs régionaux et internationaux.