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La Palestine, inespérée bouée de secours de la Cour Pénale internationale

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Alors qu’elle traverse une période de sérieux revers, la Cour Pénale Internationale a vu le 2 janvier 2015 sa juridiction reconnue par l’Autorité Palestinienne. Cette adhésion de la Palestine au statut de Rome, bien qu’essentiellement politique, peut permettre à la CPI de s’affirmer réellement sur la scène internationale et de jouer enfin un rôle décisif dans la lutte contre l’impunité des auteurs de crimes touchant la communauté internationale.

Mahmoud Abbas signe la demande d'adhésion de la Palestine au Statut de Rome
Mahmoud Abbas signe la demande d’adhésion de la Palestine au Statut de Rome

Après son entrée fracassante au sein de l’ONU en tant qu’Etat observateur en novembre 2012, la Palestine a décidé, début janvier 2015, de ratifier le statut de Rome. Elle reconnait ainsi la compétence de la Cour Pénale Internationale. Cette ratification a suscité un tollé diplomatique, la condamnation de cet acte étant quasi universelle : Israël et les Etats-Unis en tête (tous deux ne reconnaissant par ailleurs pas la compétence de la CPI). Même l’Union Européenne, par la voix de Federica Mogherini, craint une « [aggravation] de la situation déjà tendue ».
S’il ne faut pas fermer les yeux sur le caractère opportuniste de l’attitude de l’Autorité Palestinienne à travers cette reconnaissance, il convient toutefois de souligner l’importance de cet évènement. La CPI a potentiellement l’occasion de se montrer compétente pour juger des exactions commises au cours d’un conflit majeur, dont le retentissement est universel. Elle n’a jusque-là pu exercer sa juridiction qu’à propos de conflits et de crimes, certes atroces et inacceptables, mais qui n’ont pas le retentissement symbolique et médiatique du conflit israélo-palestinien.
Très rapidement, la Cour a pris les choses en main. La procureure Fatou Bensouda a annoncé le 16 janvier l’ouverture d’un examen préliminaire sur les crimes de guerre présumés commis en Palestine. L’examen préliminaire est l’étape préalable à une véritable enquête, laquelle seule peut baser de réelles poursuites à l’encontre des dirigeants responsables de telles exactions.
L’ouverture de cet examen préliminaire sonne un peu comme la dernière chance pour la CPI et plus particulièrement pour Mme Bensouda, sa procureure gambienne. L’abandon récent des charges contre le président kenyan ainsi que le bras de fer avec les clans Gbagbo et Ouattara en Côte d’Ivoire, pour le moment au désavantage de la CPI, ont clairement entamé la crédibilité du rôle de la Cour.
Cet examen préliminaire en Palestine va d’abord permettre à Mme Bensouda de montrer qu’elle ne focalise pas son travail sur l’Afrique, ce que ses nombreux détracteurs lui reprochent depuis son entrée en fonction fin 2011. Ce reproche est d’ailleurs infondé puisque des examens similaires ont actuellement lieu en Irak, en Ukraine ou encore au Honduras. Mais surtout, en s’introduisant dans les affaires du Proche-Orient, la CPI va pouvoir (enfin) mesurer sa force et jouer un rôle politique, dans le bon sens du terme. Elle s’expose en effet à une offensive américaine et israélienne : mais n’est-ce pas le propre d’un tribunal de déranger ceux qui préféreraient qu’il n’existe pas ?
On peut tout le moins souhaiter à la CPI que l’inauguration de ses nouveaux locaux en décembre 2015 coïncide avec l’entrée dans une nouvelle phase décisive de l’histoire de cette juridiction.

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