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Les chiites pris pour cible en Afghanistan

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Manifestation des Hazaras en Afghanistan
Manifestation des Hazaras en Afghanistan

Le 11 novembre dernier ce sont plusieurs milliers de Hazaras, une minorité chiite d’Afghanistan, qui se sont rassemblés à Kaboul afin de manifester pour leur sécurité après la décapitation de sept Hazaras par les talibans.

Les Hazaras sont une minorité chiite d’Afghanistan représentant 10 à 15% de la population totale du pays qui lui est majoritairement sunnite. Ces derniers, reconnaissables à leurs traits asiatiques, ont pratiquement toujours été persécutés. Jusque dans les années 1970, les Hazaras étaient certes « libres » mais ils ne pouvaient faire d’études supérieures ou encore accéder à des postes à responsabilités dans la fonction publique. Lorsque le régime taliban a pris le pouvoir (entre 1996 et 2001), les Hazaras ont même été la cible de massacres. Ceux-ci représenteraient actuellement près du quart de la population de Kaboul. La capitale afghane a donc vu le rassemblement de la minorité Hazara mercredi dernier pour dénoncer les violences dont ils sont victimes. Avec la reprise de plus en plus de territoires par les talibans dans le sud et l’est du pays, les violences sur les Hazaras se sont donc amplifiées après l’espérance que leur avait pourtant apportée la Constitution de 2004 qui faisait des Hazaras une minorité ethnique égale aux autres minorités du pays. Ainsi en février dernier ce sont 31 Hazaras qui ont été enlevés. Malgré la libération de 24 d’entre eux, 7 ont récemment été retrouvés décapités dans la province de Zaboul au sud-est du pays. De ce fait, les Hazaras ont manifesté à Kaboul contre les talibans mais aussi contre le président Ashraf Ghani que les Hazaras accusent de ne pas agir assez pour les protéger. Le chef de la mission de l’ONU en Afghanistan, Nicholas Haysom, a annoncé à propos de ces assassinats dans un communiqué que «  il est possible que ces meurtres insensés équivalent à des crimes de guerre. Leurs auteurs doivent être traduits en justice ».

Division au sein des talibans afghans

Le fait que la minorité chiite des Hazaras soit de nouveau la cible d’attaques peut être mis en relation avec la reconquête de territoires que les talibans effectuent dans le sud et l’est du pays. Comme l’a illustré la ville de Kunduz prise par les talibans pendant 15 jours à la fin du mois de septembre dernier, les talibans en Afghanistan regagnent du terrain dans le pays. Cependant ceux-ci sont divisés depuis la mort de leur chef, le mollah Omar, annoncée en juillet dernier mais qui serait mort depuis deux ans. D’un côté il y aurait le successeur désigné après la mort du mollah Omar : le mollah Akhtar Mansour, et de l’autre, un nouvel homme désigné très récemment à la tête d’une faction dissidente : le mollah Mohammed Rassoul. Ainsi dans la province de Zaboul, là où ont été retrouvés les 7 Hazaras décapités, les deux groupes se sont affrontés le week end dernier. Les partisans du mollah Mohammed Rassoul sont jugés comme étant plus radicaux et soutenus par l’Etat islamique. Ainsi les talibans afghans, à l’image des autres groupes terroristes djihadistes, sont susceptibles d’être divisés entre Al Quaïda et l’Etat Islamique. La lutte d’influence entre ces deux organisations se joue donc également au sein des talibans d’Afghanistan. La décapitation des Hazaras, une minorité chiite, serait donc peut-être le fait des forces soutenues par l’Etat Islamique qui massacrent également des musulmans alors qu’Al Quaïda, traditionnellement, y rechigne. Ceci en fait d’ailleurs une des différences entre les deux organisations. Quoiqu’il en soit, l’attrait que représente l’Etat islamique touche même les talibans afghans qui sont pourtant des fidèles soutiens d’Al Quaïda. Ceci renforce encore davantage la théorie de la lutte d’influence que se livre les deux organisations terroristes. L’Etat Islamique n’hésite donc pas à aller sur les territoires traditionnellement acquis à Al Quaïda et concurrence ainsi sévèrement son « grand frère ». A ce jeu, l’Etat islamique dispose d’un avantage prépondérant : l’argent. Le gouvernement afghan qui ne contrôle déjà pas la totalité de son territoire risque donc de subir des conséquences lourdes si les deux organisations terroristes se livrent bataille pour l’influence mondiale dans le sud-est du pays.

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