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Yémen : la bataille d’Hodeidah, enlisement d’une guerre silencieuse

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La date du 13 juin 2018 a marqué le début de l’opération militaire « Golden Victory » sur la ville d’Hodeidah. Son port, aux mains du groupe rebelle Houthis depuis 2014, est une artère vitale pour le Yémen. Cette nouvelle offensive est le pire scénario envisagé par la communauté internationale qui craint en effet que les combats ne fassent qu’empirer une situation déjà désastreuse.

Ville du Yémen détruite par les bombardements

La solution militaire à tout prix

C’est en janvier 2015 que les Houthis, milice chiite alliée à feu l’ancien président Ali Abdalah Saleh, prirent le contrôle de la capitale Sanaa, poussant à l’exil le Président élu, Abdrabbo Mansour Hadi. Deux mois plus tard, une coalition, formée par l’Arabie Saoudite et ses alliés du Conseil de Coopération du Golfe (CGG), déclencha officiellement l’opération « Tempête décisive » pour reprendre le contrôle du Yémen par la force. Pour autant, plus de trois ans après le début de cette intervention, la situation n’a jamais été aussi aussi catastrophique.

L’opération « Golden Victory » est actuellement coordonnée par les forces émiraties, avec comme principal objectif la reprise du contrôle de la ville d’Hodeidah. Le port de cette dernière est effectivement un point d’accès stratégique sur la Mer Rouge et les Saoudiens accusent les miliciens de l’utiliser pour y acheminer des armes envoyées depuis l’Iran. Par ailleurs, les taxes portuaires imposées sur les importations sont aussi l’une de leurs principales sources de revenus. Avec la reprise de cette place stratégique, la coalition espère par la suite pouvoir bloquer la route principale menant à Sanaa et ainsi lancer un nouvel assaut qui permettrait de reprendre la capitale.

Une telle stratégie n’est pas nouvelle puisqu’elle a été planifiée par le CCG depuis le début de l’année 2017. Jusqu’ici, la communauté internationale avait pourtant réussi à convaincre l’Arabie Saoudite de ne pas y avoir recours, le risque pour les populations civiles ayant rapidement été jugé comme trop élevé pour une probabilité de réussite trop faible. Le royaume wahhabite et son voisin émirati ont cependant décidé de faire fi des multiples avertissements lancés par leurs alliés, et ont déclenché seuls cette offensive après que les États-Unis aient « officiellement » refusé de leur apporter un soutien logistique et technique sur le terrain.

Un désastre humanitaire pour une résolution politique inaccessible

Depuis le début du conflit, Hodeidah est un enjeu primordial pour le pays, le port permettant en effet l’acheminement de près de 80% de l’aide humanitaire. Ce sont désormais plus de 600 000 habitants, dans la ville et ses alentours, qui sont directement menacés. L’ONU estime que plus de 250 000 personnes pourraient périr dans les combats, et des centaines de milliers de personnes sont contraintes de se déplacer, s’ajoutant aux 3 millions d’exilés déjà recensés dans le reste du pays[1]. Sur le plan humanitaire, l’organisation internationale craint plus particulièrement que les affrontements bloquent toute possibilité de ravitaillement de la population alors que 20 millions de personnes sont déjà considérées en situation d’urgence grave, dont 8,4 millions d’entre elles risquant la famine. Toujours selon l’ONU, cela représente, rien que pour 2018, une augmentation de 25% des cas de malnutrition sévère par rapport à l’année précédente[2].

Au mois de juin 2018, le nouvel émissaire onusien en charge du conflit, Martin Griffiths, s’est pourtant rendu à Sanaa pour tenter de renégocier un accord et éviter une énième escalade militaire. Ce dernier avait par ailleurs reconnu que le déclenchement d’une telle offensive risquerait certainement de mettre fin à toute possibilité de discussion pour la signature d’un accord politique. Le diplomate a tout de même continué de multiplier les rencontres avec le chef de la rébellion, Abdel Malek al-Houthi, depuis. Dans un récent entretien avec le journaliste français Georges Malbrunot[3], ce dernier s’est d’ailleurs déclaré prêt à négocier avec les Saoudiens, certes dans des conditions assez restrictives. Il a notamment approuvé le principe d’un accord qui transfèrerait le contrôle du port d’Hodeidah aux Nations Unies. De son côté, la coalition n’est, au contraire, plus du tout encline à discuter et exige une reddition totale des combattants Houthis et leur évacuation de la ville.

Après presque deux mois de combats et de raids aériens intensifs, les tensions régionales ne font malheureusement que s’aggraver, confirmant ainsi les craintes des autorités internationales. Le nombre de victimes n’a pas encore pu être officiellement établi même si on parle tout de même déjà de plusieurs centaines de morts. Toute progression sur le terrain a aussi été stoppée après que les forces arabes aient réussi à reprendre le contrôle de l’aéroport situé à la périphérie de la ville d’Hodeidah.

Ce contexte permet de tirer une première conclusion, à savoir qu’aucune des parties ne semble véritablement prête à faire de concessions, tant sur le plan politique que militaire, alors que la logique de puissance des uns, et la volonté guerrière des autres, assombrissent un peu plus l’avenir d’un Yémen désormais devenu État failli.

[1]https://news.un.org/en/story/2018/06/1011701

[2]https://www.reuters.com/article/us-yemen-hunger-famine/yemen-close-to-famine-after-port-offensive-aid-groups-warn-idUSKBN1KE04B

[3]http://premium.lefigaro.fr/international/2018/07/17/01003-20180717ARTFIG00241-abdel-malek-al-houthi-au-yemen-la-france-doit-soutenir-la-paix-pas-la-guerre.php

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Eva Martinelli

Diplômée d’un Master 2 en Relations internationales spécialité sécurité et défense de l’Université de Grenoble et l’ILERI, Eva s’est spécialisée sur l’étude des problématiques géopolitiques de la Péninsule Arabique, et plus particulièrement sur les enjeux du conflit Yéménite.

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