L’enclenchement du processus diplomatique de la guerre syrienne a-t-il débuté ?
Nouveau coup de théâtre sur la scène syrienne venant une nouvelle fois de Vladimir Poutine. L’annonce du 14 mars dernier, sur le retrait du gros de l’effectif de l’armée russe en Syrie, n’est pas sans l’interpellation des différentes parties ayant leurs intérêts au Moyen-Orient. Si Moscou a clairement reversé la tendance en bombardant les positions des groupes armés opposés à Bachar Al-Assad, cette annonce, à l’instar de l’irruption russe en septembre dernier, fait l’objet de controverses. Est-elle un cadeau empoisonné offert à Damas ou une intention de faciliter les négociations sur une résolution politique du conflit ?
Faire preuve de bonne volonté dans le cessez-le-feu…
Après 167 jours de campagne aérienne intensive, l’annonce de ce retrait n’est pas sans lien – outre la concordance avec le début de la tragédie syrienne du 15 mars 2011 – avec le calendrier de la résolution politique du conflit. En estimant que sa mission est « globalement accomplie » concomitamment à l’entrée en vigueur du cessez-le-feu, Vladimir Poutine affiche sa volonté d’enclencher concrètement le processus diplomatique entamé à Genève, voire d’y imposer ses intérêts. En effet, bien que ce retrait partiel ait été présenté comme le fruit d’une concertation entre Moscou et Damas, il n’est pas exclu que ce désengagement vise à infléchir la position du président syrien sur ses ambitions de reconquête du pays et donc de la poursuite des hostilités. Téhéran aurait, également, annoncé un retrait de 2 500 de ses 6 000 hommes faisant davantage peser le fardeau militaire sur Bachar Al-Assad rendant ses diplomates plus souples et réceptifs à une résolution pacifique. D’autant que le Kremlin a insisté sur le fait que la Russie n’avait pas vocation à rester de manière indéterminée en Syrie, afin d’éviter le traumatisme afghan ou irakien.
Au moment où le régime de cessation des hostilités semble fonctionner avec une diminution des combats, ce retrait partiel constitue donc pour la Russie une forte diminution d’un risque d’enlisement. Elle souhaite ainsi donner l’impression qu’elle reste maître de la situation, mais aussi de renvoyer une image victorieuse de cette campagne très couteuse pour une économie fragilisée par les sanctions occidentales, ainsi que par la diminution du cours du rouble et du prix des matières premières. Mais surtout, cette décision promeut l’hypothèse de la fédéralisation de la Syrie. Antérieurement à la décision du Kremlin, des consultations auraient été faites avec Washington acceptant de donner des garanties au clan Alaouite et de cesser le soutien aux factions rebelles dites modérées, à condition de promouvoir un schéma fédéral pour la future Syrie. Les kurdes syriens en ont d’ailleurs profité pour proclamer unilatéralement la constitution d’une entité fédérée, rejetée aussi bien par Damas que par l’opposition, ainsi qu’Ankara et même les Etats-Unis. Cette garantie montre incontestablement que la Russie a pris une position hégémonique dans la région vis-à-vis de l’Oncle Sam, puisque ce dernier cherche de plus en plus à mettre fin au conflit par l’intermédiaire des russes.
…tout en maintenant un contingent prêt à intervenir si nécessaire
Bien loin de se retirer totalement de Syrie, le contingent militaire russe va évoluer. En décidant de maintenir des éléments et quelques hommes sur ses bases navale et aérienne, l’armée russe souhaite continuer à soutenir l’armée syrienne en cas d’offensive de Daech ou d’Al-Nora, lequel a d’ailleurs annoncé un assaut qui n’a toujours pas été lancé. Poutine a, du reste, rappelé qu’il était prêt à redéployer ses avions en quelques heures, si la situation devait se détériorer. L’état-major continue d’ordonner des frappes contre « les objectifs terroristes » en poursuivant son soutien à l’armée de Bachar Al-Assad dans la reconquête de Palmyre, dans laquelle un membre des forces spéciales russe a été tué. Cette reconquête s’avère importante tant sur un point symbolique que sur un point stratégique. En plus d’être une cité antique, Palmyre constitue le principal point de ravitaillement des djihadistes dans la grande parcelle désertique du territoire syrien. L’Etat Islamique se retrouverait donc pris en étau dans le désert irako-syrien entre les deux armées régulières soutenues par différentes milices chiites.
Ce retrait partiel constitue davantage un effet d’annonce pour faire preuve de bonne volonté vis-à-vis du clan occidental, en calibrant le contingent militaire par rapport à la situation du terrain, que d’une réelle atténuation du soutien russe à Damas.