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Trêve en Syrie, les raisons d’un échec annoncé

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Depuis le 12 septembre, un cessez-le-feu a été instauré en Syrie afin de stopper les effusions de sang, ininterrompues depuis 2011. Une « trêve » signée entre J.Kerry et S.Lavrov, accepté par le gouvernement syrien, la coalition arabo-kurde (pro-occidentale), les Forces démocratiques syriennes et les Unités de protection du peuple kurde. À l’origine, cet accord prévoyait la cessation de toute attaque et bombardement aérien, le déploiement de moyens humanitaires et le partage d’informations sur le terrain entre les parties russes et américaines. Cependant, cette trêve laisse septique la plupart des analyste, déjà considérée comme un énième coup d’épée dans l’eau pour résoudre ce conflit.

Légende V.Poutine, S.Lavrov et J.Kerry en pleine discussions sur le conflit syrien.
V.Poutine, S.Lavrov et J.Kerry en pleine discussions sur le conflit syrien.

L’une des grandes difficultés pour instaurer un cessez-le-feu en Syrie, réside dans la question même du cessez-le-feu. Traditionnellement, un cessez-le-feu a pour principe l’arrêt des combats pour tous les belligérants impliqués dans le conflit. Or aujourd’hui l’accord russo-américain ne prend ni en compte l’État Islamique, ni le Front Fateh al-Cham (ex al-Nosra), pourtant lui même intégré à l’Armée de la Conquête, l’une des plus importantes alliance anti-gouvernementale. D’autres groupes ont également refusé l’arrêt des combats, comme Ahrar al-Cham. Le cessez-le-feu peut donc être considéré comme partiel, première raison de sa précarité. Il semble également problématique de voir Russes et Américains s’entendre entre eux, plutôt que de faire pression pour mettre les acteurs directement concernés à la table des négociations, à la manière de Dayton(1). Cette question concerne en premier lieu les Américains, qui font face à une diversité de mouvements opposés au régime syrien, mais dont les objectifs et les motivations idéologiques restent assez troubles.

 Un cessez-le-feu illusoire dans la situation actuelle

Une semaine après le début de la trêve et hormis les débordements sur le terrain, un événement va modifier le sort de l’accord conclu entre Russes et Américains. Samedi 17 septembre, le régime syrien annonce le bombardement de ses positions par l’aviation américaine, pourtant partie prenante de la trêve. Il n’en fallait pas plus à Moscou pour dénoncer l’événement et « la mauvaise volonté américaine » de mettre fin à cette guerre. Du côté de Washington on déplore « une regrettable erreur ».
C’était un autre défi majeur pour cette trêve, déjà en mal de crédit, la capacité de confiance entre Russes et Américains. Si le duo Kerry/Lavrov fonctionne et se montre constructif dans ses rapports, les tensions apparentes lors du dernier incident, montre bien la fragilité des relations actuelles. La donne pourrait également évoluer après les présidentielles américaines, qui amènerait une nouvelle équipe, avec un nouveau secrétaire d’État et peut-être une redéfinition des relations russo-américaines. Si les plus pessimistes diront que le cessez-le-feu est mort dans l’oeuf, force est de constater le sombre avenir d’un compromis diplomatique, qui malgré ses failles a eu le mérite d’exister.

Il faut croire parfois que le pessimisme et la réalité s’accordent, puisque quelques heures après la finalisation de cet article, l’armée syrienne a annoncée la fin du cessez-le-feu. De son côté, la diplomatie américaine a regretté l’impossibilité de mettre en place une aide humanitaire digne de ce nom et a annoncé qu’il ne pouvait y avoir de coopération militaire avec la Russie.

*Les Accord de Dayton signés en 1995, ont mis fin au conflit entre la Serbie, la Bosnie et la Croatie. Les Américains (et Européens) avaient mis une énorme pression sur les dirigeants des trois Républiques, pour obtenir un accord de paix.

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Fabien HERBERT

Fabien Herbert est Président des Yeux Du Monde et rédacteur géopolitique pour l'association depuis mars 2016. Formé à l’Université Catholique de Louvain, Fabien Herbert est journaliste et analyste spécialisé en relations internationales. Il s’intéresse notamment au monde russophone, au Moyen-Orient et à l'Asie du Nord-Est.

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