La guerre contre le terrorisme : une guerre perdue d’avance ?
Aujourd’hui, nous entendons de plus en plus parler de déradicalisation, de stratégies pour combattre et détruire l’État islamique (EI) mais également pour stopper les personnes fichées S. Les gouvernements augmentent les forces policières et militaires, proclament l’état d’urgence, augmentent les frappes aériennes… Peut-on dire que tous ces moyens arriveront à détruire l’EI ? Faire la guerre au terrorisme suffit-il pour l’anéantir ?
Aux origines du terrorisme islamiste
Le terrorisme islamiste n’est pas né avec les attentats du 11 septembre 2001. Sa naissance remonte en effet au début du XXe siècle. En Égypte, suite à la destitution du dernier calife en 1924, un instituteur du nom de Hassan el-Banna créé un mouvement politique, les Frères Musulmans. Son mouvement débute comme une simple association locale de bienfaisance, mais celle-ci se donne rapidement un but politique : instaurer un grand État islamique fondé sur l’application de la charia.
La naissance de Daech
Avec l’assassinat du Président égyptien Anouar el-Sadate en 1981, la guerre en Afghanistan de 1979 à 1989, les attentats de 2001, le terrorisme a pris diverses formes. La véritable genèse de l’EI intervient entre 2003 et 2011 dans les ruines d’une Irak envahie par les forces américaines et avec l’invasion de la Syrie. L’organisation a profité du délitement des États (dont l’Irak en premier) ainsi que du chaos politique, économique et sécuritaire régnant pour prendre le contrôle de territoires entiers. Elle se différenciait ainsi des anciens groupes djihadistes qui se concentraient jusqu’alors sur des opérations contre-insurrectionnelles depuis la chute de Saddam Hussein.
Abou Moussab Al-Zarqaoui a d’abord fondé Al-Qaïda en Irak (AQI, branche d’Al-Qaïda), en 2004. Deux ans plus tard, AQI s’est associé avec d’autres groupes pour former le Conseil consultatif des moudjahidines en Irak, qui deviendra l’État islamique en Irak et au Levant (ou Daech) en 2013. Cette organisation amplifie tragiquement les affrontements régionaux mais ne parvient à gagner que ponctuellement et provisoirement.
La guerre contre le terrorisme : une reconquête progressive ?
L’EI revendique un projet politique : administrer un État selon sa conception de l’Islam. Avec son irruption violente sur le devant de la scène internationale, une coalition est apparue, menée par les Etats-Unis. Composée de vingt-deux États à ses débuts, elle rassemble aujourd’hui soixante-quatre pays. Elle vise à coordonner des frappes aériennes, à lutter contre l’activité sur internet de l’EI, et aussi à stabiliser les zones libérées.
La coalition a permis aux troupes irakiennes de regagner du terrain : les combattants kurdes irakiens ont repris Sinjar en novembre 2015, les forces irakiennes ont récupéré Ramadi en décembre 2015, les troupes gouvernementales ont repris Palmyre en 2016 et Mossoul a été libérée en juillet 2017. Depuis fin 2016, l’EI a perdu la majeure partie du territoire conquis en Irak et en Syrie et des responsables importants ont été tués pendant les opérations. Sa stratégie d’expansion régionale semble donc être en échec à l’image de son recul sur le plan militaire.
L’enchaînement de revers militaires essuyés par l’organisation met à jour ses failles. La dynamique victorieuse a constitué l’un des principaux moteurs d’attractivité de l’EI. Celle-ci ayant été stoppée, la brutalité de ses méthodes devient moins justifiable auprès des militants et des populations locales (comme les tribus sunnites qui l’avaient soutenue en 2014 et qui subissent aujourd’hui exactions et assassinats de masse). L’activité économique des zones contrôlées par Daech est faible et s’est même effondrée depuis 2015, ce qui contribue à accentuer son déclin. De plus, le bombardement de ses convois pétroliers et l’arrêt de ses conquêtes territoriales ont eu un impact sur sa cohésion interne.
Daech pourrait également souffrir d’une certaine désaffectation des combattants étrangers, déçus de ne pas obtenir ce qu’on leur avait promis et lassés des atrocités à répétition. De 19 000 à 25 000, leur nombre serait passé à 15 000 – 20 000. Le califat se serait réduit de 14% en 2015 et de 12% au cours des six derniers mois de 2016, selon une étude du cabinet américain IHS Inc.
La renaissance du phœnix ?
Comme un phœnix qui renaît de ses cendres, l’EI déclinera avant d’être supplanté par une ou plusieurs autres organisations djihadistes. Une organisation comme telle ne disparaît pas : elle change simplement de visage. En effet, l’EI pourrait retrouver un fonctionnement plus équivoque en adoptant une nouvelle stratégie et poursuivre d’autres batailles via la multiplication d’attentats terroristes barbares, aveugles et symboliques, et l’utilisation des réseaux sociaux. Si la victoire militaire n’est plus d’actualité, cette organisation hybride qu’est Daech a atteint son but premier : instaurer une peur constante au sein des populations du monde entier.
En outre, son échec militaire pourrait amplifier la menace terroriste dans les pays européens en fonction du nombre de combattants étrangers qui pourraient rentrer. Ceux-ci pourraient continuer à perpétrer des attentats ou du moins, à en faire planer la menace.
Enfin, d’autres groupes risquent de poursuivre son ambition d’implantation territoriale.