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Ukraine: une guerre locale en passe de devenir mondiale ? (2/7)

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Après la chute de l’empire romain, l’Europe est devenue un continent constamment divisé, où la guerre était la règle et la paix l’exception. Seul le souverain Charlemagne, durant le premier quart du IXe siècle, réussit à unifier impérialement le Vieux Continent. Ensuite, celui-ci fût sans cesse, à nouveau, le théâtre de guerres féodales et internationales, où royaumes et empires rivaux guerroyaient, entre eux,  pour imposer leur hégémonie, sans jamais y parvenir. Ce qui fit couler,  beaucoup de sang, durant plusieurs siècles, en Europe. En contrepartie, l’omniprésence de la guerre favorisa, entre autres, le développement des sciences dures et stimula l’innovation technologique. Ce qui permit, pour le meilleur et pour le pire, à l’Europe occidentale de connaître une véritable révolution industrielle au XIXe siècle, et de s’affirmer comme puissance dominante sur le reste du monde. 

L’avènement de la dynastie carolingienne ou la brève unification de l’Europe occidentale

Les souverains européens n'ont eu de cesse de vouloir restaurer l'œuvre de Charlemagne
Charlemagne (742-814) premier et unique empereur européen à avoir réussi à unifier l’Europe, à l’époque post-romaine.

« Depuis la fin de l’Empire romain, ou, mieux, depuis la dislocation de l’Empire de Charlemagne, l’Europe occidentale nous apparaît divisée en nations ». Discours et conférences (1887) d’Ernest Renan.

Charlemagne est vu comme le père de l’Europe. Cela, précisément en raison du fait qu’il réussit à regrouper politiquement l’ensemble de la partie occidentale de celle-ci, hormis la péninsule ibérique conquise par les Musulmans, sous le sceau de la Chrétienté.

Cette prouesse politique ne survécut cependant pas à la mort du souverain survenue le 28 janvier 814. En effet, dans les années qui suivirent, la dynastie des Carolingiens, dont Charlemagne était l’un des illustres représentants, perdit peu à peu en puissance. En 843, le traité de Verdun acta le partage de l’empire carolingien entre les trois petits-fils de l’empereur défunt. Dès lors, le temps d’une Europe occidentale impérialement unie se termina. Elle laissa place au régime pyramidale de la féodalité qui caractérisa la majeure partie du Moyen-Age européen. Dans ce contexte, trois proto-entités politiques autonomes prirent naissance, la Francie, future France, la Germanie, future Allemagne, ainsi que l’Italie. Par la suite, l’Europe continentale ne fût plus jamais réunie durablement sous la bannière d’un même empire.

Allemagne, France et Angleterre : l’éternel triptyque de la guerre

L’an 1066, année de conquête de l’Angleterre par Guillaume le Conquérant, marque la  naissance de l’Angleterre moderne. Cette dernière, soucieuse de maintenir une Europe continentale divisée, passa son temps à fomenter des coalitions, tantôt contre la monarchie française, tantôt contre le Saint-Empire romain germanique. En parallèle, ces derniers n’eurent de cesse de se livrer des combats à mort pour tenter d’imposer leur domination à l’ensemble de l’Europe continentale. Cette situation ne change pas durant la Renaissance, ni dans le monde post-1789. François Ier ira jusqu’à s’allier avec le Sultan Ottoman, Soliman le Magnifique. Ce dernier, ennemi juré de la chrétienté, fût celui sur qui s’appuya le monarque français pour prendre en revers son rival, l’empereur du Saint Empire romain germanique, Charles Quint, dans la course à l’hégémonie continentale.

A l’aube du XIXe siècle, Napoléon est couronné empereur des Français.  Il vaincu définitivement le Saint Empire romain germanique, lors de la bataille de Iéna du 14 octobre 1806. Dès lors, il s’attela à faire de l’Europe un marché unifié, sous domination française. Incapable, cependant, de vaincre militairement la flotte armée britannique, il imposa, à l’Angleterre, un blocus continental, à partir de novembre 1806. En réaction, sans surprise, l’Angleterre pris la tête d’une coalition réunissant une multitude d’États européens. Le but de celle-ci était de mettre  un terme à l’épopée napoléonienne en passe d’unifier le Vieux Continent. L’empereur français fut finalement vaincu lors de la bataille de Waterloo, en 1815.

De la Révolution industrielle à la guerre mondiale de destruction industrielle

Au XXe siècle, les deux guerres mondiales qui éclatèrent furent la conséquence directe de la crise de surproduction liée à la Révolution industrielle du siècle précédant. Révolution qui eut lieu en Europe occidentale, en Amérique du Nord, ainsi qu’au sein du Japon de l’ère Meiji. C’est à cette période que débuta l’idéologie colonialiste, comme l’a expliqué Rosa Luxemburg. Il s’agissait, pour les métropoles européennes, de s’accaparer les matières premières présentes sur les territoires conquis. Ceci, afin de s’en servir pour la fabrication d’objets manufacturés. Cependant, dans un deuxième temps, ces derniers étaient réexportés au sein de ces mêmes colonies. Il fallait donc, pour les différentes nations industrielles, conquérir des territoires nouveaux, autant pour s’accaparer, à moindre coût, des matières premières qui s’y trouvaient, que pour en faire de nouveaux débouchés commerciaux capables d’absorber la production industrielle de plus en plus croissante.

Toutefois, dans le premier quart du XXe siècle, l’ensemble des continents avait été phagocyté par l’impérialisme européen. Il ne restait donc plus d’espaces nouveaux à conquérir pour les nations industrielles. Dans le même temps, l’industrie allemande commençait à prendre le pas sur sa rivale française. Elle s’accaparait de nombreux marchés en Russie, en Norvège, en Suède, au Portugal, en Suisse, en Roumanie et en Bulgarie. La France représentait seulement 6 % des importations russes, lorsque l’Allemagne représentait, quant à elle, 28 %. Ainsi elle se positionnait même devant l’Angleterre qui, elle, assurait 27 % des importations de la Russie.

Aux yeux de la France, qui se voit envahie de marchandises Made in Germany, l’Allemagne devenait une menace existentielle. À partir de 1911, cela se traduisit par une dégradation des relations économiques entre les deux pays. Cela eut, en 1914, les conséquences que nous connaissons.

La période qui s’étend de 1914 à 1918 fût le temps de la première guerre d’anéantissement de l’histoire de l’humanité. En d’autres termes, il s’agissait de mener une guerre totale à l’ennemi, pour détruire intégralement son potentiel industriel et commercial, afin de l’éliminer définitivement du marché international. La Grande Guerre se joua donc essentiellement entre grandes nations industrielles occidentales. Ce qui impliqua la France, l’Allemagne, l’Italie, la Grande-Bretagne, les États-Unis et le Japon. Ce dernier est le seul pays belligérant hautement industrialisé non occidental. La Russie ne joua, quant à elle, qu’un rôle marginal.

En effet, ce n’est nullement la Russie économiquement archaïque qui remettait en cause l’équilibre des puissances en Europe. C’était bien davantage la supériorité industrielle et commerciale allemande qui posait problème. Celle-ci raflait toutes les parts de marchés à sa concurrente française. De surcroît, elle était même en mesure de sérieusement concurrencer l’industrie anglaise. Raison pour laquelle, Londres ainsi que son allié américain qui n’avait pas encore la puissance qui est la sienne aujourd’hui, se rangèrent aux côtés de la France. Ceux-ci n’eurent d’autres objectifs que de briser la suprématie industrielle allemande. Ils lui infligèrent donc d’importants bombardements militaires sur ses sites industriels, tout en l’isolant économiquement. Cette stratégie finit par avoir raison de l’Allemagne, le 11 novembre 1918.

Après la reddition allemande, la France se vit interdite de poursuivre toute forme de harcèlement à l’encontre de l’Allemagne, par les Américains. Ces derniers étaient devenus les nouveaux arbitres en Europe, depuis leur entrée dans le conflit en 1917.C’est ainsi que les armées du Maréchal Foch durent renoncer à leur ambition de faire disparaître l’Allemagne. Du point de vue anglo-américain, pour maintenir un équilibre des puissances en Europe, il fallait sauver l’Allemagne face à la France militairement victorieuse. Cette dernière conserva, alors tout simplement, les frontières qui étaient les siennes depuis 1815.

Aussi, l’Allemagne était-elle incapable de s’acquitter des réparations de guerre qu’elle devait à la France. De ce fait, les Accords de Lausanne de 1932 les abolirent.

Si bien que, victorieuse militairement parlant à l’issue de la Grande Guerre, la France se retrouva, comme l’écrivait l’historien Jacques Bainville, dans une situation similaire à celle qui aurait été la sienne si elle s’était trouvée dans le camp des perdants.

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Sources:

  • Bainville, Jacques, 2020, Histoire de France, Tallandier
  • Laïdi, Ali, 2016, Histoire mondiale de la guerre économique, Perrin
  • Lebrun, François, 2018, L’Europe et le monde: XVIe-XVIIIe siècle, Armand Colin
  • Luxemburg, Rosa, 1967, L’accumulation du capital, Tome II, Ed. Maspero
  • Paxton, Robert O, & Hessler, Julie, 2011, L’Europe à son apogée, 1914, dans, L’Europe au XXe siècle, sous la direction de Paxton, Robert & Hessler, Julie. Tallandier, pp. 21-58
  • Poidevin, Raymond, 1969, Les relations économiques et financières entre la France et l’Allemagne de 1898 à 1914, Armand Colin
  • Rovan, Joseph, 1994, Histoire de l’Allemagne: des origines à nos jours, Ed. du Seuil
  • Solnon, Jean-François, 2017, L’Empire ottoman et l’Europe: XIVe-XXe siècle, Perrin
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Yoann Lusikila

Yoann Lusikila est diplômé de science politique à l'Université de Lausanne. Il s'est spécialement intéressé aux enjeux de sécurité internationale, et de guerres économiques, à l'aune de la globalisation économique.

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