Le 6 février 1934 : une menace sérieuse pour la République ?
Suite au limogeage du préfet de police Jean Chiappe, accusé de négligences dans l’affaire Stavisky, par le radical Daladier fraichement appelé au pouvoir, les ligues organisent une manifestation. Cette dernière se déroule Place de la Concorde, non loin de l’Assemblée Nationale mais dégénère en émeute.
L’archaïsme des structures économiques françaises a ralenti les effets de la crise de 1929, mais ces derniers sont bien présents à partir de 1931 : ralentissement de la production industrielle… La France est touchée par une crise économique et sociale qui devient vite politique, notamment après les élections législatives de 1932. En effet, la gauche, radicale et socialiste, revenue au pouvoir, ne parvient pas à apporter des remèdes efficaces ; elle se tourne alors vers la déflation, demandée par les marchés mais rejetée par les socialistes, la menant ainsi vers une contradiction idéologique déstabilisante. Dans ces conditions, l’instabilité ministérielle, signe d’une paralysie politique, se met progressivement en place dans une France déjà affaiblie.
Dans le même temps, des ligues d’extrême droite profitent de la mauvaise conjoncture pour se développer : elles regroupent des mouvements variés, pas nécessairement hostiles à la République et souvent étrangers au fascisme. C’est ainsi que, si « Action Française », menée entre autres par Léon Daudet, est royaliste, antirépublicaine, antidémocratique, la ligue « Croix-de-Feu », dirigée en 1934 par le colonel de La Rocque, milite pour une droite autoritaire sans pour autant renier la République. Malgré ces différences, elles prennent toutes le dénouement de l’affaire Stavisky, scandale politico-financier, comme un prétexte pour violemment critiquer le parlementarisme. En effet, l’assassinat d’Alexandre Stavisky, auteur de nombreuses escroqueries, à Chamonix le 8 janvier 1934, conduit à la démission du gouvernement de Camille Chautemps du fait de la compromission de ministres dans ce scandale. Le pouvoir politique perd alors toute légitimité.
Ces problèmes d’ordre politique ont directement conduit aux manifestations du 6 février mais pas aux violences. Ces dernières ne sont pas les conséquences d’une tentative de « coup d’état fasciste », comme le mettent en avant les socialistes, ou d’un éventuel complot, mais plutôt d’une manifestation ayant dégénérée suite à un coup de feu. Le bilan est lourd : 15 morts et plus de mille blessés.
Un électrochoc pour le régime parlementaire
Paradoxalement, cet événement a permis au pouvoir parlementaire de se réaffirmer. En effet, après la démission de Daladier, Gaston Doumergue forme un gouvernement d’union nationale, regroupant des radicaux comme Herriot mais aussi des hommes de droite comme Tardieu. C’est aussi l’occasion pour la gauche de retrouver une certaine légitimité en se présentant comme le défenseur de la République française : le 12 février, les socialistes défilent derrière Léon Blum pour répondre aux ligues. Puis, une union contre l’extrême droite et le fascisme est souhaitée par communistes et socialistes, mais les dirigeants de ces partis ne parviennent pas à trouver un accord satisfaisant. Cependant, ce timide rapprochement constitue un premier pas vers la formation du Front Populaire et vers la victoire électorale de 1936.