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La crise bosniaque (1908 – 1909), première étape vers la Grande Guerre

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La crise bosniaque vue par Le Petit Journal (1908)

La crise bosniaque, première des grandes crises qui ont mené l’Europe à la guerre, trouve son origine au confluent de trois évènements. Tout d’abord, le ministre des affaires étrangères de la double monarchie austro-hongroise est, depuis 1906, Von Aehrenthal, un farouche partisan d’une politique active de Vienne dans les Balkans. L’agressivité autrichienne est entretenue par l’attitude de la Serbie: porté au pouvoir par une révolution en 1903, le roi Pierre 1er de Serbie est pro-russe, francophile (il a fait ses études à Saint-Cyr) et partisan de l’union de tous les slaves du sud. Pour l’Autriche-Hongrie et son ministre Von Aehrenthal, il faut à tout prix « démolir le nid de vipères serbe ». Le conflit russo-japonais et la révolution de 1905 lui en donnent l’occasion : l’éclatante victoire japonaise et les troubles intérieurs laissent la Russie temporairement affaiblie et incapable de mener une guerre en Europe pour soutenir le « petit frère » serbe.

Ainsi, l’Autriche-Hongrie décide l’annexion de la Bosnie Herzégovine (qu’elle administre déjà) afin de couper court au mouvement panslave dans les Balkans. Fort du soutien allemand, Von Aehrenthal obtient de la Russie qu’elle ferme les yeux contre l’appui de Vienne à une modification du régime des détroits. L’annexion est prononcée unilatéralement le 5 octobre 1908.

Comme prévu, la Serbie proteste et se tourne vers la Russie qui, forte de son accord avec Vienne, lui conseille la résignation. Cependant, le ministre russe des affaires étrangères, Isvolski, se rend vite compte qu’il « a été roulé » (pour reprendre ses propres termes) : ni l’Angleterre ni l’Allemagne ne veulent entendre parler d’une modification du régime des détroits, l’accord passé avec l’Autriche n’a donc plus aucune valeur.

Très vite, les relations entre Vienne et Saint-Pétersbourg se tendent à l’extrême : les deux Etats-majors prennent des mesures de mobilisation. Par peur d’être attirés dans un conflit qui ne met pas en cause leurs intérêts vitaux, Angleterre et France proposent leur médiation, et invitent l’Allemagne à se joindre à leur démarche. Très habilement, cette dernière refuse : elle espère ainsi affaiblir la Triple Entente en obligeant la France à décevoir la Russie, ce qui fonctionne. Autriche-Hongrie et Allemagne font parvenir en 1909 des ultimatums en règle à la Serbie et à la Russie. La France fait comprendre à la Russie qu’elle n’a d’autre choix que d’accepter.

Répétition de la crise de juillet 1914, la crise bosniaque a alarmé toutes les chancelleries européennes. Humiliée, la Russie en sort déterminée à laver l’affront qu’elle a reçu. Si l’Autriche-Hongrie et l’Allemagne sont a priori les gagnantes de cette épreuve de force, elles n’ont pas réussi à affaiblir la Triple Entente : certes, la Russie en veut à la France de ne pas l’avoir soutenue, mais l’Empire des Tsars éprouve surtout du ressenti contre l’Allemagne dont l’intervention a été déterminante. De plus, l’Italie, déçue d’avoir été tenue à l’écart du jeu balkanique, amorce un rapprochement avec la Russie.

Si les tensions s’apaisent début 1910, la 2e crise marocaine de 1911 va remettre le feu aux poudres et précipiter encore un peu plus l’issue fatale de 1914.

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