Le monde avant 1914

Les lambins avatars démographiques et sociaux, ou la France, oubliée de la révolution démographique et urbaine européenne…

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Thomas Robert Malthus, pasteur anglican et économiste britannique de l'Ecole classique.Son nom a donné dans le langage courant un adjectif, « malthusien », pour caractériser un état d'esprit conservateur qui s'oppose à l'investissement et craint la rareté et une doctrine, le malthusianisme, qui impose une politique active de contrôle de la croissance de la population.
Thomas Robert Malthus, pasteur anglican et économiste britannique de l’Ecole classique. Son nom a donné dans le langage courant un adjectif, « malthusien », pour caractériser un état d’esprit conservateur qui s’oppose à l’investissement et craint la rareté et une doctrine, le malthusianisme, qui impose une politique active de contrôle de la croissance de la population.

Lors du XIX° siècle, la croissance démographique française demeure apathique. Cette atonie démographique pourrait s’expliquer par le recul de la natalité, ébauchée à la fin du XVII° siècle. Chez les familles catholiques pratiquantes, la progéniture demeure traditionnellement pléthorique, bien que la bourgeoisie et les strates moyennes aient, depuis longtemps, adopté des pratiques malthusiennes. La baisse de la natalité n’est qu’en partie contrebalancée par celle de la mortalité qui diminue, mais doucettement. La carence d’un corps médical, le manque d’hygiène, la médiocrité du niveau de vie dans les strates populaires s’ajoutent au manque criant d’attention de l’Etat pour les questions de santé publique. Corollairement, la part de la France dans la population européenne diminue considérablement, passant de 15% dans la première moitié du XIX° siècle à près de 10% à la veille de la Première Guerre Mondiale. Parallèlement, l’immigration progresse du fait du ralentissement démographique et du besoin de main-d’œuvre dans l’agriculture et l’industrie. En 1918, la France compte 1,5 millions d’étrangers. Ces derniers se fixent dans les régions industrielles ainsi que les régions frontalières voisines des pays dont ils sont issus (Espagnol et Portugais dans le Sud-Ouest, Belges dans le Nord). Une assimilation graduelle, via le mariage notamment, est à l’oeuvre. Les naturalisations sont assouplies par la loi de 1889, laquelle instaure la tradition républicaine du « droit du sol » en octroyant la nationalité française à la seconde génération.

En 1916, seuls 45% des Français vivent dans les villes. Certes, encouragé par les troubles économiques de la fin du XIX° siècle, l’exode rural a progressé. Toutefois, la croissance des villes françaises demeure inférieure à celle des autres pays européens. Le tissu urbain se caractérise par le modeste nombre de grandes villes et par le poids des villes moyennes. Les paysans demeurent la catégorie dominant en nombre. Les ruraux sont majoritairement des petits propriétaires exploitant le sol, bien que vive également à la campagne un monde de métiers manuels. La condition du grand céréalier de la Beauce diffère sensiblement de celle des habitants des zones de montagnes isolées géographiquement. Le développement de l’exode rural et l’expansion de l’économie de marché ouvrent néanmoins les campagnes au reste du monde.

Progressivement, le monde ouvrier se développe. Les ouvriers représentent 35% de la population active en 1914. Dans les grandes entreprises, l’introduction de machines sophistiquées et du travail à la chaîne multiplient les contraintes. Mais la grande majorité des ouvriers travaillent dans des structures moyennes, parfois même à domicile. Les ouvriers-paysans des usines proches des campagnes s’intègrent à la vie de l’usine. Les situations sont hétérogènes, mais la condition ouvrière est invariablement précaire. La législation sociale française accuse un retard : le repos hebdomadaire obligatoire est institué seulement en 1906, alors même qu’en 1900, la loi Millerand prévoit une diminution de la journée de travail à 10 heures. Enfin, la période de la Belle Epoque voit l’affirmation de la bourgeoisie et l’apparition des strates moyennes. Celles-ci sont diverses, mais toutes animées par une appétence commune, l’élévation sociale, incarnée par la République même.

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