Le XXI° siècle sera-t-il le théâtre de guerres de l’eau ?
De nos jours, il est intéressant de remarquer que la nature principale des guerres change : autrefois symbole de différends entre deux Etats, les guerres sont désormais davantage déclarées à l’encontre de groupes terroristes (Al-Qaïda), d’Etats dont les gouvernements sont jugés non démocratiques ou autoritaires (Ex-Yougoslavie, Irak), voire de type économique (embargos, mesures protectionnistes, etc.). L’eau, ressource naturelle indispensable à la vie, fait cependant défaut dans certaines régions du monde, d’autant que la pression démographique augmente irrémédiablement. L’accès à celle-ci peut donc être problématique et créer des tensions importantes entre certains Etats. Dès lors, on voit planer le spectre de guerre de l’eau.
L’eau potable provient, sauf exception, des cours d’eau qui, parfois, traversent plusieurs Etats. Bien évidemment, chaque Etat prélève sur ses cours d’eau la quantité nécessaire à ses besoins agricoles, industriels et domestiques. Le problème est que, dans certains cas, d’autres pays en aval se retrouvent lésés : les cours d’eau, ponctionnés par les Etats en amont, ont un débit réduit, voire sont pollués. Par exemple, l’Ethiopie, qui a décidé la construction de plusieurs dizaines de barrages nécessaires en vertu d’une démographie galopante, va ainsi puiser dans le Nil bleu l’essentiel de ses besoins en eau, ce qui l’oppose fermement à l’Egypte, située en aval. Certes, aucune guerre n’a été déclenchée par l’Egypte à l’encontre de l’Ethiopie (malgré de multiples menaces), mais comme l’a écrit Frédéric Lasserre dans son ouvrage L’Eau, enjeu mondial, « nous ne sommes pas à la veille de conflits mondiaux pour l’eau [mais] on ne peut pas balayer du revers de la main la possibilité de tout conflit attisé par une crise de l’eau ». D’ailleurs, l’eau n’a pas toujours été absente des préoccupations lors des conflits passés, notamment dans la région du Proche-Orient qui souffre d’une situation de stress hydrique : lors de la Guerre des Six Jours, Israël entendait par exemple préserver son accès à l’eau via le contrôle du Golan, des aquifères cisjordaniens et du Jourdain.
Or, sur la question du partage des eaux, la communauté internationale fait face à une législation mondiale balbutiante. Alors que certains pays arguent du principe du respect des cours d’eau naturels et de leur intégrité absolue, les autres estiment pouvoir faire ce que bon leur semble avec les ressources s’écoulant sur leur territoire, sans nécessairement tenir compte des revendications des pays en aval qui en subiraient les conséquences. Pourtant, en 1997, les Nations Unies votaient la Convention sur les utilisations des cours d’eau, censée résoudre les litiges interétatiques en voulant favoriser une utilisation rationnelle de l’eau ainsi qu’une assistance mutuelle entre Etats dépendants d’un même cours d’eau. Mais celle-ci n’est pas entrée en vigueur, et des pays tels que la Turquie (dont la maitrise du Tigre et de l’Euphrate rend dépendants la Syrie et l’Irak) ont refusé de la signer. Ainsi, si aucune guerre d’ampleur n’a eu pour enjeu principal l’eau, rien n’empêche que cette ressource devienne un facteur de futurs conflits, tant elle prend de l’importance dans de nombreuses zones du globe.