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Nationalismes en Europe et en Suisse : une nouvelle ruse de l’Histoire – Laurent Vinatier

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C’est vrai qu’il commençait à avoir du monde sur les routes en Suisse ; et dans les stations de ski aussi ; et au bord du lac. Heureusement, le vote de dimanche 9 février, acceptant l’initiative populaire « contre l’immigration de masse » devrait mettre un peu d’ordre à ce niveau. C’est déjà ça. Il n’est pas sûr cependant que cela compense vraiment les pertes économiques, substantielles selon les experts, ou les manques à gagner résultant d’une circulation plus difficile des étrangers en Suisse mais aussi, bien sûr, des Suisses à l’étranger. Bref. Au-delà des désagréments qui ressemblent quand même, à s’y méprendre, à une balle dans le pied, la Suisse nouvelle qui doit émerger prochainement, fait figure assez paradoxalement de bon élève européen.

Il n’est qu’à voir chez ses voisins les réactions des différents partis nationalistes – en France, en Autriche, en Angleterre ou aux Pays-Bas – dont on attend la victoire relative ou une percée démocratique, selon les cas, aux prochaines élections européennes. Marine Le Pen par exemple a salué « la lucidité du peuple suisse ». Nigel Farage, le chef du parti britannique UK Independence Party (UKIP), s’est félicité quand à lui de cette « merveilleuse nouvelle pour les amoureux de la liberté et de la souveraineté nationale en Europe. Geert Wilders, chef de file de l’extrême-droite néerlandaise, a déclaré : « ce que les Suisses peuvent faire, on peut aussi le faire ». L’Autrichien, Christian Strache, a parlé d’un « grand succès ».

Le plus drôle est que tous ces gens se parlent, tissent des liens, se voient, se rapprochent, au point de constituer un réseau supranational. Fin novembre, ainsi, Marine Le Pen discutait à La Haye d’une alliance eurosceptique avec Wilders dans les perspectives des élections au Parlement européen. Le vote helvétique finalement est assez cocasse, presqu’absurde au sens où cette confédération qui se ferme s’inscrit en fait parfaitement dans un mouvement transnational, européen et profondément transfrontalier. Les partis nationalistes d’Europe, l’UDC y compris, prônant le repli et l’isolement sur leur petit territoire national, progressent surtout dans le cadre européen de liberté. Dans une certaine mesure et de façon tout à fait ironique, au nom de la priorité nationale, ces mouvements sont les premiers à créer un espace multinational de débat démocratique. Encore une ruse de l’histoire, dont les Suisses qui s’éloignent pour le coups un peu plus de l’Union européenne, ne pourront pas tirer profit !

 Laurent Vinatier

Emerging Actors Consulting & Institut Thomas More, Paris

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