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Think tanks et politiques publiques

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Les plus grands décideurs se pressent à la tribune des grands think tanks américains. Ici Hillary Clinton s'exprime à The Brookings Institution, l'un des think tanks les plus influents du monde.
Les plus grands décideurs se pressent à la tribune des grands think tanks américains. Ici Hillary Clinton s’exprime à The Brookings Institution, l’un des think tanks les plus influents du monde.

Si le terme “think tank » émerge dans les années 1950, ce type d’institution apparaît dès le XIXème siècle dans le monde anglo-saxon. Le premier d’entre eux, l’Institute for Defence and Security Studies est créée au Royaume-Uni en 1831, et dès le début du XXème siècle se développent aux Etats-Unis des futurs géants du secteur comme la Brookings Institution en 1916. Cette dernière est d’abord envisagée comme un « centre de recherche sur le modèle d’institutions académiques et centré sur les problématiques du gouvernement fédéral ». La plupart des think tanks contemporains ont largement dépassé ce mandat originel et font maintenant partie intégrante des processus de décision en politiques sociales, étrangères, fiscales et économiques.

L’essor des think tanks est particulièrement manifeste après la Seconde Guerre Mondiale et le terme a d’abord une connotation militaire : il aurait originellement servi à qualifier les pièces dans lesquelles les stratèges militaires américains élaboraient leurs plans. Les think tanks sont durant la guerre froide quasi exclusivement américains et encore de nos jours les plus importants et influents d’entre eux se trouvent outre-Atlantique tels que The Brookings Institution, The Council on Foreign Relations ou encore le très conservateur The Heritage Foundation. Les think tanks contemporains opèrent dans de multiples champs  et sont à l’intersection des sphères académiques, géopolitiques, médiatiques, économiques voire juridiques et sociales. Ils associent souvent les fonctions de recherche et de consulting auprès d’organismes publics ou d’entreprises et doivent en permanence naviguer entre une indépendance affichée et une orientation idéologique indispensable à la formulation efficace de politiques publiques.  Ils accueillent aux Etats-Unis de nombreux hommes politiques et hauts fonctionnaires, généralement de l’administration sortante – démocrates si le gouvernement est républicain et inversement – et ils sont ainsi perçus comme un environnement privilégié pour l’élaboration théorique des politiques publiques qui seront mises en œuvre lors d’une éventuelle accession au pouvoir. Par exemple Ben Bernanke, ancien directeur de la Fed américaine, a rejoint The Brookings Institution à la fin de son mandat en 2014.

Les think tanks sont ainsi des pôles de réflexion et de recherche théoriques mais toujours tournés vers l’action publique ; ils sont en ce sens essentiellement inscrits dans le politique et plusieurs d’entre eux agissent comme de véritables lobbies auprès des gouvernements nationaux ou à Bruxelles en Europe.

Les think tanks européens sont pour la plupart de création relativement récente et se sont largement inspirés de l’organisation et des missions de leurs homologues anglo-saxons : l’Institut français de relations internationales (IFRI), le plus ancien think tank français,  fut ainsi créée par Thierry de Montbrial en 1979 pour constituer un centre de recherche sur les problématiques internationales pouvant rivaliser avec les travaux américains en la matière. De plus, le développement de l’Union Européenne a insufflé une nouvelle dynamique aux think tanks européens en permettant à plusieurs d’entre eux d’acquérir une influence continentale comme Bruegel ou European Policy Center. Cependant, les think tanks européens pâtissent généralement d’une réticence « culturelle » des partis politiques à leur confier le rôle intellectuel et idéologique qu’ils ont en Amérique dans la formulation et l’élaboration des politiques publiques : sur les 6826 think tanks mondiaux comptabilisés par le Think Tanks and Civil Societies Program de l’Université de Pennsylvanie, 30% sont américains et 9 Américains sont présents dans le top 20 des think tanks les plus influents. L’Europe pourrait tirer profit idéologiquement et politiquement d’un rattrapage quantitatif sur ces classements et d’une amélioration qualitative de l’utilisation des think tanks en tant que producteurs d’idées.

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