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Les clés de la croissance

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L’Arlésienne, Vincent Van Gogh, 1888
L’Arlésienne, Vincent Van Gogh, 1888

Telle l’arlésienne, dont on parle toujours mais qui ne vient jamais, la croissance se laisse ces temps-ci désirée. Les politiques l’invoquent, car elle signifierait le reflux du chômage, mais il semble que son absence soit partie pour durer. Mais au fond, d’où vient elle et comment la faire revenir?

La richesse produite chaque année par les français, autrement dit la valeur ajoutée, constitue le produit intérieur brut ou PIB. Ainsi, la croissance est la différence entre la richesse produite l’an passé et celle produite cette année. La question de la croissance est donc celle de la production de richesses. Néanmoins, l’indicateur le plus pertinent pour mesurer la richesse d’un pays n’est pas le PIB, mais le PIB par habitant, car il permet de mesurer quelle serait la richesse dont chaque habitant disposerait si la richesse totale produite sur une année était répartie à part égale parmi la population. Ajoutons également qu’un pays dont la croissance économique serait plus faible que la croissance démographique serait de fait en voie d’appauvrissement.

Fonction de Cobb-Douglas
Fonction de Cobb-Douglas

Les économistes modélisent la production par la fonction de Cobb-Douglas. Ainsi la production Y a quatre composantes principales, la productivité générale des facteurs A (PGF), le capital K (machines, biens immobiliers etc.), le nombre de travailleurs L, et le nombre d’heures travaillées moyen par travailleur H. Cette dernière est en fait un coefficient multiplicatif qui rend compte de l’efficience du capital et du travail dans la production de richesses Y. En somme, la productivité générale des facteurs représente le progrès technique, plus celui-ci est élevé moins le capital et le travail nécessaires à un même niveau de production seront élevés.

PIB_hab_décomposé
PIB/hab décomposé

En divisant Y par la population totale N, le PIB/hab peut être divisé en quatre composantes : le progrès technique A, l’intensité capitalistique K/L qui mesure le capital nécessaire à la production réalisée en un heure de travail, L/N la part dans la population des personnes qui travaillent et H le nombre moyen d’heures travaillées par travailleur . Les chercheurs A.Bergeaud, G.Cette et R.Lecat dans leur étude  Le produit intérieur brut par habitant sur longue période en France et dans les pays avancés, ont utilisé cette décomposition du PIB/hab sur la période 1890-2012. Ils mettent ainsi en évidence qu’entre 1890 et 2012 le PIB/hab a en moyenne progressé de 1,8% par an en France, 2,0% aux Etats-Unis ou encore 2,6% au Japon, cf graphique ci-dessous. Surtout, le progrès technique (PGF) représente le principal contributeur à la croissance du PIB/hab, celui-ci serait donc la clé de la croissance passée et donc sans doute future.

Décomposition des facteurs d’évolution du PIB par habitant sur la période 1890-2012 source : étude de Bergeaud, Cette, Lecat
Décomposition des facteurs d’évolution du PIB par habitant sur la période 1890-2012
source : étude de Bergeaud, Cette, Lecat

Si l’on analyse les causes des grandes périodes de croissance qui ont émaillé le XX siècle, à chaque fois le rôle du progrès technique est déterminant. Dans leur étude les trois chercheurs fournissent un découpage chronologique plus fin et montrent ainsi que le rattrapage des pays européens lors des “Trente Glorieuses” (1950-1974), période de croissance exceptionnelle de part son intensité et sa durée, est dû en grande partie à l’essor de la productivité générale des facteurs (progrès technique). Usage de l’électricité, moteur à explosion, chimie, et nouvelles technologies de l’information et de la communication ont porté la croissance du siècle passé.

Ensuite il apparaît qu’au cours du XX siècle les Etats-Unis ont été des précurseurs en matière de progrès technologique. Ainsi aux Etats-Unis l’essor du PIB/hab associé aux “Trente Glorieuses” a eu lieu 10 ans plus tôt comme le montre le graphique suivant. Les économistes mettent en avant la qualité des institutions américaines pour expliquer la rapidité de diffusion du progrès technique et donc son effet rapide en terme de production de richesses. Système financier performant, concurrence sur le marché des biens, flexibilité du marché du travail, niveau d’éducation élevé, ont servis de catalyseur.

Taux de croissance annuel du PIB/hab lissé source: étude de Bergeaud, Cette, Lecat
Taux de croissance annuel du PIB/hab lissé
source: étude de Bergeaud, Cette, Lecat

L’analyse du PIB/hab sur longue période, permet de mettre au jour les sources de la croissance. Le progrès technique joue un rôle central. Accompagné par des institutions fortes, il dynamise la production de richesses. Les politiques d’innovation visant à favoriser le progrès technique ainsi que les réformes structurelles dont l’objectif est de rendre nos institutions plus performantes seront donc déterminants pour la croissance de demain.

Pour aller plus loin :  Le produit intérieur brut par habitant sur longue période en France et dans les pays avancés : le rôle de la productivité et de l’emploi Antonin Bergeaud, Gilbert Cette  et Rémy Lecat

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