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Les révolutions de couleur dans l’ex-URSS: la Géorgie (2/5)

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La révolution des roses en Géorgie est le premier anneau des révolutions de couleur dans l’ex-URSS. Ayant lieu en novembre 2003, elle catalyse les revendications économiques, politiques et sociales d’une population déçue par l’échec de la transition démocratique post guerre froide. La rose illustre le caractère pacifique et l’implication d’une société civile qui s’est développée à travers des organisations non gouvernementales (ONG) et des médias locaux indépendants.

Un pays à reconstruire 

Edouard Chévardnadzé, président de la Géorgie (1992-2003) lors d'une rencontre avec le secrétaire d'Etat américain à la défense, William Cohen
Edouard Chévardnadzé, président de la Géorgie (1992-2003).

La chute de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) entraîne un bouleversement des sociétés. La Géorgie fait face à une catastrophe économique et sociale. Les privatisations sauvages s’enchaînent tandis que l’État géorgien sombre dans un climat de guerre civile. De 1991 à 1993, les partisans du président élu Z. Gamsakhourdia affrontent les soutiens de E. Chévardnadzé. En 1992, l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud déclarent leurs indépendances. Appelé au pouvoir après un coup d’État, E. Chévardnadzé devient président de la Géorgie en 1992 sans élection. Il est confirmé trois ans plus tard en étant cette fois-ci élu. En avril 2000, il conserve son poste en obtenant plus de 80 % des voix.

Ancien premier secrétaire du parti communiste géorgien de 1972 à 1985 puis ministre des Affaires étrangères de M. Gorbatchev, il représente la persistance de l’idéologie soviétique après la chute de l’URSS. Si le pays se défait de l’idéologie communiste, la corruption marque la gestion des affaires courantes. A. Abachidzé en est le pur exemple. Président de la république autonome d’Adjarie, il installe dans sa région un pouvoir personnel toléré par E. Chévardnadzé à partir de 1991. Malgré un penchant autoritaire, le pouvoir central géorgien stabilise le pays. De plus, un rapprochement s’opère avec les États-Unis et l’Union européenne. En effet, la Géorgie souhaite se détacher de l’influence russe forgée pendant la période soviétique.

Le tournant occidental de la Géorgie

Dès 1993, le Transport Corridor Europe-Caucase-Asie (TRACECA) rassemble l’UE, l’Ukraine, la Turquie, les pays d’Asie centrale et du Caucase dans l’objectif d’améliorer le transport maritime international. En 1996, le projet Interstate Oil and Gas Transportation to Europe (INOGATE) est un programme de coopération internationale entre l’UE et les États riverains des mers Noire et Caspienne. La même année, la Géorgie et l’UE signent un accord de partenariat. Trois ans plus tard, signe d’une distanciation avec Moscou, deux bases militaires russes sont fermées tandis qu’en 2002 la Géorgie se rapproche de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) avec le programme d’entraînement Train and Equip qui consiste à former et équiper des troupes. Enfin, signe d’une ouverture de l’économie, la Géorgie rejoint l’Organisation mondiale du commerce en 2000 (OMC).

Les États-Unis assurent un soutien au pays de E. Chévardnadzé en raison des enjeux économiques et géopolitiques. En conséquence, le pays de l’Oncle Sam est peu regardant sur la santé de la démocratie géorgienne. La construction de l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan dont la construction débute en 2002 est le fruit du soutien américain. Alors que l’Iran et la Russie étaient les deux pays les mieux placés géographiquement pour le projet, ils sont écartés. E. Chévardnadzé marque une rupture avec la Russie dans la gestion des affaires étrangères. Cependant, le pouvoir reste autoritaire mais cela n’empêche pas le développement de multiples ONG et médias indépendants dont le rôle fut crucial dans l’avènement de la révolution des roses.

La multiplication des ONG

Sous E. Chévardnadzé, la Géorgie voit se multiplier des ONG ainsi que des médias locaux indépendants. Les États-Unis et l’UE ont appuyé cette émergence à travers des financements pour des associations promouvant la démocratie et les droits de l’Homme. L’agence américaine pour le développement international (United States Agency for International Development, USAID) a apporté une aide financière estimée à 700 millions de dollars entre 1995 et 2000. L’apport de l’UE s’élève à 420 millions d’euros pour la période allant de 1992 à 2004. Ces ressources financières étaient conditionnées à des avancées démocratiques. Par ailleurs, certaines ONG anglo-saxonnes ont directement implanté des bureaux en Géorgie. L’International Society for Fair Elections and Democracy a notamment formé des ressortissant géorgiens pour organiser des élections ainsi que des sondages. L’Open Society Institute de George Soros a participé à la promotion de la démocratie au sein de la population.

Des associations et médias locaux se multiplient. La chaîne de télévision Rustavie 2 permet l’émergence d’une opposition tandis que la création du Tavisuflebis Instituti (Institut des Libertés) a donné naissance à un journalisme d’investigation. Le mouvement civique Kmara se structure en 2003 grâce à l’aide financière de l’Open Society Institute. Cette dernière prodigue une aide logistique tandis que l’organisation serbe Otpor (“Résistance”) apporte une formation sur l’action militante. Les ONG ont organisé les revendications tout en formant une partie de la population aux outils de la non-violence. De plus, le clan d’E. Chévardnadzé commence à se briser à partir de 2000. Plusieurs membres du gouvernement démissionnent dont le ministre de la Justice, M. Saakashvili en 2002.

La fin de l’héritage soviétique

Mikhail Saakachvili en 2005, président de la Géorgie
Mikhail Saakachvili en 2005, président de la Géorgie (2004-2013).

Les élections parlementaires du 2 novembre 2003 donnent le parti présidentiel vainqueur. Rapidement, le Mouvement national uni de M. Saakashvili, appuyé par des ONG, dénonce les résultats. En effet, les accusations de bourrage d’urnes se multiplient tandis que des votes parallèles annoncent le Mouvement national uni vainqueur. Des manifestations rassemblant entre 500 et 5000 personnes s’organisent devant le Parlement pendant neuf jours. Le 14 novembre, 20 000 personnes défilent dans la capitale. La chaîne télé, Rustavi 2 couvre les événements et promeut la désobéissance civile. En conséquence, l’opposition incarnée par le Mouvement national uni de M. Saakashvili demande la démission de E. Chévardnadzé. Les résultats officiels sont publiés le 20 novembre avec le parti présidentiel en tête. Deux jours plus tard, la première session parlementaire de la législature s’ouvre. Elle est stoppée par l’invasion pacifique d’une foule armée de rose guidée par l’ancien ministre de la Justice.

Le 23 novembre, E. Chévardnadzé quitte le pouvoir. En janvier 2004, l’élection présidentielle donne M. Saakachvili vainqueur avec près de 96 % des voix. Rapidement, un nouveau gouvernement se crée. Ce dernier reste pro-occidental avec la création d’un ministère à l’Intégration européenne et euro-atlantique. Économiquement, la rupture avec la soviétisation s’accélère avec des réformes libérales sous l’égide du ministre de l’Économie, K. Bendoukidze. Par ailleurs, des anciens membres d’ONG obtiennent des postes à responsabilités. C’est le cas du ministre de l’Intérieur V. Merabishvili, ancien membre de l’Institut des Libertés.

Une nouvelle Géorgie ?

Débarrassée de l’héritage communiste, la Géorgie de M. Saakachvili se tourne vers le libéralisme pour moderniser son économie. La corruption recule. L’indice de perception de la corruption s’améliore faisant passer le pays de la place 133 en 2004 à la place 67 en 2008 dans le classement de Transparency International. La liberté économique continue sa progression facilitant la croissance. De plus, le nouveau gouvernement réussit à mater A. Abachidze. Ce dernier gouverne l’Adjarie d’une main ferme depuis 1991. Accusé d’avoir créé une véritable kleptocratie, il continue d’ignorer le pouvoir central géorgien avant de s’enfuir à Moscou sous la pression populaire.

Toutefois, la liberté de la presse ne connaît pas de franche amélioration. Certaines ONG dénoncent une chasse aux sorcières des proches de E. Chévardnadzé. Par ailleurs, le pouvoir présidentiel se renforce au profit du Parlement, créant un régime hyper présidentiel. En 2007, des manifestations anti-gouvernementales sont réprimées. Le paroxysme est atteint avec la déclaration de l’état d’urgence censurant pendant une semaine les médias du pays. M. Saakachvili est réélu président en 2008. Si l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) admet la bonne tenue du scrutin, l’opposition dénonce son opacité.

Par ailleurs, le voisin russe a longtemps dénoncé une manipulation occidentale dans la révolution des roses. Si M. Saakachvili souhaitait aussi améliorer les relations avec la Russie, les tensions autour des deux régions séparatistes, l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud, ont compliqué la tâche. Fort de la résolution de la crise en Adjarie en 2004, le gouvernement géorgien souhaite arrimer les deux régions à l’État central. Dans la nuit du 7 au 8 août 2008, les troupes géorgiennes lancent un assaut en Ossétie du Sud. Un cessez-le-feu est signé le 16 août. Dix jours plus tard, la Russie reconnaît officiellement l’indépendance de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie. L’armée russe reste présente dans les deux régions, créant un statu quo.

La révolution des roses marque une rupture avec l’héritage soviétique. L’arrivée au pouvoir d’une nouvelle génération illustre les aspirations démocratiques soutenues par la société civile. Elle constitue le point de départ des révolutions de couleur dans l’ex-URSS.

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Mathis Puyo

Etudiant en études européennes à Sciences Po Strasbourg et titulaire d'une licence en économie gestion. Il s'intéresse particulièrement aux enjeux géopolitiques et économiques de l'industrie de la Défense en Europe.

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