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L’Etat a-t-il perdu le monopole des relations internationales?

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L'Etat, face à la concurrence de nouveaux acteurs, semble avoir perdu le monopole des relations internationales. Pour longtemps?
L’Etat, face à la concurrence de nouveaux acteurs, semble avoir perdu le monopole des relations internationales. Pour longtemps?

L’Etat a progressivement perdu le monopole des relations internationales. Depuis les traités de Westphalie de 1648, l’Etat était devenu l’acteur clé des relations internationales. Le pouvoir temporel prenait le pas sur les pouvoirs spirituels (pape) et impériaux (Saint-Empire). Evanoui le temps des féodalités et des fidélités au pape ! L’ère des Etats-nations est née. Elle connaît son apogée à la révolution. Une des erreurs de Napoléon n’est-il pas d’avoir éveillé les nationalismes européens (Espagne, Allemagne, Italie), mouvements régionaux en quête d’un territoire étatique? Elle progresse encore avec la constitution des empires coloniaux lorsque les Etats renforcent leurs ressources et leur prestige. Toutefois, avec l’explosion des empires en 1918, la décolonisation, la fin de l’URSS et de la Yougoslavie, voire la remise en cause des frontières en Afrique depuis 2011, le nombre d’Etats a explosé (193 Etats à l’ONU contre moins de 50 en 1945) et leur pouvoir a profondément été dilué, même s’ils restent au centre des relations internationales : certains territoires sont d’ailleurs dans une situation intermédiaire, non reconnus de droit comme Etat mais existant de fait en tant que tel : Somaliland, Chypre du Nord, Transnistrie, Ossétie du Sud, Sahara Occidental, Taïwan, Palestine, Kosovo, …

Bien qu’ils pullulent, les Etats sont aujourd’hui des acteurs concurrencés. Certes, cette concurrence avec d’autres puissances a toujours existé (Compagnie des indes orientales, entreprise privée, qui assurait la souveraineté de la couronne anglaise sur Indes en 1877). Toutefois, dans les faits, avec la mondialisation, cette concurrence a pris de l’ampleur avec trois manifestations principales : l’émergence d’entités économiques parfois plus riches que les Etats, qu’elles soient légales (FMN) ou illégales (criminalité organisée), la prise de pouvoir de certains acteurs infraétatiques (régions) ou supraétatiques (organisations internationales comme l’ONU, le FMI, la Banque mondiale, …) et la montée en puissance d’une société civile dont les émissaires (ONG et forums mondiaux) prennent du pouvoir. Même sur le plan théorique, l’Etat-nation est en crise : les minorités n’y trouvent plus leur compte, les frontières sont paradoxalement contestées et l’Etat totalitaire a ruiné les bases philosophiques de l’Etat.

Si l’Etat en tant qu’entité globale a probablement perdu le monopole des relations internationales, certains Etats s’en sont arrogés l’exercice. D’une part, une « aristocratie mondiale » prend le pouvoir, se côtoie lors de forums sélectifs (G7 et G20), domine des organisations internationales (Conseil de Sécurité). D’autre part, des Etats sont faillis (Somalie, Irak, Afghanistan, …) ou pèsent peu (Etats africains à l’ONU). De nombreuses typologies existent mais celle de Robert Cooper se distingue en dégageant trois types d’Etats : les Etats prémodernes (faillis), les Etats modernes (les plus attachés à leur souveraineté) et les Etats postmodernes (qui essaient de dépasser l’Etat).

Enfin, paradoxalement, c’est à l’époque où ses fondements s’effritent que l’Etat est nécessaire. Premièrement, le dépassement par le bas des Etats n’est pas opérant et pose des problèmes de légitimité, à la fois concernant les ONG qui sont spécialisées, ou pour les FMN qui demeurent fragiles : les Etats n’ont-ils pas sauvé les banques pendant la crise ? Deuxièmement, n’assiste-t-on pas à un besoin d’Etat ? Les minorités régionales, comme la catalane ou l’écossaise, rêvent de leur Etat ? Un peu comme si, à l’heure de sa mort, l’Etat renaissait de ses cendres.

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