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Le « mur » à la frontière Kenya-Somalie : exemple de la mondialisation des murs-frontières

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De nos jours, environ 16 % des frontières étatiques sont des barrières de séparation. La typologie des murs est à l’image de la fragmentation du monde : elle est complètement diversifiée. Quelque soit le matériau qui délimite la frontière, la communauté scientifique garde la notion de « mur ». Ainsi, l’angoisse de la perte d’identité nationale ou le soucis de sécurité sont les motifs principaux qui poussent les Etats à délimiter physiquement leur(s) frontière(s). A mesure que les flux humains se mondialisent, l’angoisse et la peur se globalisent. Aujourd’hui, plus de 70 murs sont construits ou planifiés à travers le globe selon Elisabeth Vallet (université du Québec UQAM). C’est cinq fois plus qu’à la fin de la Guerre Froide. Cela correspond aussi  à la circonférence terrestre.

La construction du mur est fortement critiquée par la Somalie qui se félicite de la suspension des travaux;
Le projet de mur d’environ 700km doit s’étendre de Mandera dans le nord-est du Kenya à Kiunga dans la zone côtière

Outre le projet de Donald Trump à la frontière mexicaine, le Kenya construit depuis 2015 un mur à sa frontière avec la Somalie. Actuellement, le mur-clôture pensé par le gouvernement ne représente pas les 700 km qui avaient été proposés initialement. C’est une construction par étape car le gouvernement et le Parlement n’arrivent pas à trouver un terrain d’entente sur le moyen le plus efficace d’endiguer le terrorisme. En effet, l’objectif d’un tel ouvrage, serait la limitation des incursions des combattants d’Al-Shabab. Ce groupe terroriste créé en 2006 a fait à plusieurs reprises des victimes sur le territoire kenyan. Les traumatismes les plus graves sont issus de la tuerie du centre commercial Westgate en 2013 et de l’attaque de l’université de Garissa en 2015.

Dès lors, ce projet de « mur » créé la polémique au Kenya. Les députés sont réticents face au coût important de cette clôture. En effet, les autorités auraient dépensé environ 35 millions de dollars afin de construire une clôture bétonnée de 10 km. De plus, l’opposition accuse le gouvernement de profiter de l’instabilité du pays pour attribuer des fonds publics à des projets non désirés par la population.

Une épidémie de murs

Si on peut voir au Kenya ou ailleurs que la construction d’un mur aboutit à des débats houleux en interne, ce n’est pas de bon augure en ce qui concerne l’ouverture physique des frontières rêvée par la communauté internationale à l’ère du néolibéralisme. En effet, les projets de construction dominent les projets de démolition. La mondialisation est un processus complexe qui ne génère pas seulement une multiplication des flux et des échanges. Il existe des contre-processus paradoxaux éminemment liés à des crispations, des tensions, générées par l’ouverture du monde. La notion de frontière est aujourd’hui révisée par les mutations perpétuelles. Certains Etats adoptent donc un exercice de pouvoir basé sur la contrainte du corps, la limitation de la mobilité par l’obstacle physique. C’est ce que Michel Foucault avait popularisé avec son concept de « biopolitiques ». Ce phénomène inédit traduit par une politique de fortification des frontières a fait apparaître un nouveau terme : la « teichopolitique ». Soit, une politique caractérisée par la construction de barrières physiques.

Infographie murs-frontières

 

Sources :

Le défi des teichopolitiques. Analyser la fermeture contemporaine des territoires, Florine Ballif et Stéphane Rosière, in L’Espace Géographique, vol. 38, n° 3/2009, pp. 193-206

Toujours plus de murs dans un monde sans frontières, Elisabeth Vallet, Tracés 08/2015

Combating Terrorism on the Somalian Border : The Improbable Kenyan Dream ? Marc Galvin, Global Challenge, Issue n°4 – Octobre 2018

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Pierre Lacroix

Pierre Lacroix est diplômé d'une Licence de Géographie (Université de Nantes), d'un Master de Relations Internationales, Intelligence Stratégique et Risques Internationaux (Lyon III), puis d'un Master Coopération Internationale et ONG (Paris XIII). Il est rédacteur depuis Mars 2019.

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