Tiers-Monde et émergents

Qu’est-ce que le mouvement des non-alignés ?

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La conférence de Bandung (1955) avait posé les jalons de la résistance du tout jeune « tiers-monde » (A. Sauvy) face aux puissances coloniales. Sa trentaine d’initiateurs ne souhaitant pas que cela ne reste qu’un coup d’épée dans l’eau, une organisation tenta de naître mais fut affaiblie par ses divisions internes.

Tito et Soekarno, les dirigeants yougoslave et indonésien
Tito et Soekarno, les dirigeants yougoslave et indonésien

Il n’a fallu que quelques années pour concrétiser l’entrée dans l’actualité de ces pays du tiers-monde requérant plus d’équité économique, l’indépendance vis-à-vis du joug colonial ou l’arrêt de l’enrichissement nucléaire à l’échelle mondiale. Alors que la conférence de Bandung avait été initiée par Soekarno (Indonésie), c’est Tito qui prend en charge la conférence suivante, à Belgrade, en 1961. Le symbole est fort, puisque c’est un pays géographiquement au Nord qui se veut figure de proue du mouvement. Outre Nehru et Soekarno, déjà présents à Bandung, ce sont deux grands défenseurs de l’indépendance de leur pays qui accroissent l’impact de cette conférence : Nasser, qui a repoussé les avances franco-britanniques en 1956, et Nkrumah, libérateur du Ghana en 1957.

Outre les idéaux exposés plus haut, ce mouvement prétend ne s’allier à aucun des deux blocs existants, ni même en fonder un troisième. C’est probablement cela qui contribua à son affaiblissement constant. En effet, son idéologie pacificatrice ne collait pas à la dure réalité des décolonisations (pour beaucoup grâce à des guerres). De plus, ce mouvement manquait radicalement d’un Président, d’une vraie figure de proue capable de rassembler ses participants. Pourtant, beaucoup de facteurs auraient dû contribuer à son renforcement. Les indépendances gagnant l’Afrique et l’Amérique Latine durant les années 1960 ont accru son nombre de membres, et auraient dû être bien plus être affirmées comme des victoires contre les colonialistes. De même, la paix relative entre Américains et Soviétiques aurait dû rendre les revendications bien plus vindicatives, puisqu’aucune réelle menace d’invasion étrangère n’existait.

Les gains politiques de ce mouvement ont donc été clairs, au fur et à mesure des indépendances. Les gains économiques, eux, sont restés modestes, mis à part une obscure Charte de l’ONU en 1974 (dite Charte des droits et devoirs économiques des Etats) reconnaissant que les pays du tiers-monde puissent être défavorisés dans leur commerce avec les pays riches. C’est économiquement que ce mouvement a pu pêcher. En effet, n’ayant pas de ressources internes suffisantes, un « FMI du tiers-monde » était irréalisable, tant il était impossible aux pays membres de se venir en aide mutuellement, voire d’aider de futurs membres. Plusieurs membres ont donc dû recourir à l’aide américaine ou soviétique, ce qui contredisait la règle numéro 1 promue par l’idéologie du non-alignement. Et mis fin aux doux espoirs d’une troisième voie en pleine Guerre froide.

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