La tragi-comédie grecque
Sans surprise, une majorité de Grecs a donc refusé d’être les seuls bouc-émissaires d’une dette qui ne sera jamais remboursée vis-à-vis d’un pool de créditeurs internationaux (FMI, UE, etc.). Mais Tsipras, sorti renforcé de ce référendum, saura-t-il aller jusqu’au bout ?
Imaginez-vous, seul(e), au bord d’une falaise. Vous n’avez pas le choix, vous devez plonger. Néanmoins, deux parachutes s’offrent à vous : le premier vous mènera lentement en bas, avec peu de chances de survie. Vous aurez donc le temps de voir votre mort arriver, tout en profitant du paysage. Le deuxième est fait en matériaux alternatifs, n’a jamais été essayé, mais il vous donne néanmoins une infime probabilité de rester en vie. Les Grecs, lassés du premier parachute austéritaire, ont donc choisi l’alternative du parachute Tsipras. Cette alternative, dont on ne sait absolument pas où elle peut mener la Grèce, n’a qu’un seul mérite : envoyer un message au monde. Non, le peuple grec ne souhaite plus continuer à rembourser une dette au seul bénéfice de créanciers parfois peu scrupuleux.
Tsipras, même si on est largement en droit d’être en désaccord avec son programme électoral, n’a qu’un seul vrai mérite dans cette histoire (pour le moment) : être un politique qui fait ce qu’il a promis. Dans une attitude que l’on peut juger tout à fait égoïste, à savoir refuser de payer une dette à ses créanciers, Tsipras démontre à tous les dirigeants du monde que l’on peut tout à fait résister aux pressions extérieures et écouter son peuple. Il y a quelques mois, la Grèce a abattu sa dernière carte, en élisant Tsipras contre la volonté des créanciers du pays. A partir de maintenant, nous allons avoir une réponse à une question qui dépasse largement la Grèce : le politique peut-il reprendre le droit sur l’économique ?
Tsipras n’est que la créature voulue par les pro-austérité
En cette ère de mondialisation débridée, la patrie de la démocratie a rappelé à tous que, parfois, le suffrage du peuple devait peser dans la balance. Il faut dire que beaucoup semblent l’avoir oublié. Néanmoins, cela ne pourrait pas suffire. Car même si Tsipras est soutenu par son peuple, ce « non » ne change rien à la situation du pays. Il est fort peu probable que les créanciers modèrent leurs demandes dans leur plan de soutien, tandis qu’un abandon de la dette parait inimaginable. De son côté, Tsipras ne devrait pas rééditer l’erreur faite par son prédécesseur Samaras en 2012, celle d’accepter mot pour mot le plan proposé à l’époque par l’UE. Bref, ce vote n’a donné qu’une légitimité supplémentaire à un dirigeant croyant encore pouvoir lutter contre la toute-puissance des instances économiques mondiales et européennes.
Les créanciers, quant à eux, ne devraient pas être surpris du sort de ce référendum. Ils n’en ont été que le déclencheurs, demeurant dans leur lubie de voir la dette grecque remboursée grâce à des artifices austéritaires dépassés et malgré son montant astronomique. Ils pensaient surement que les Grecs ne verraient pas que la cure austéritaire a plus servi depuis des années à renflouer des prêteurs bien trop optimistes par le passé qu’à ne serait-ce que maintenir leur propre niveau de vie. Maintenant, ces créanciers peuvent finir d’achever le pays. Mais ils auront sur leur conscience de nier le vote d’une population néanmoins pas exempte de tout reproche dans le creusement de sa dette…