Rétrospective 2015 : le dégel des relations américano-cubaines en sursis ?
L’année 2014 s’était terminée avec le rétablissement (officiel) des relations diplomatiques entre Cuba et les États-Unis. Le 17 décembre 2014, Barack Obama et Raul Castro avaient proclamé, lors d’allocutions télévisées simultanées, le début du processus de rapprochement entre les deux pays. Ils ont ainsi mis fin à une mésentente remontant à la Révolution cubaine. De nombreux dirigeants internationaux, ainsi que les médias, avaient alors salué le début d’un nouveau chapitre dans l’histoire des rapports américano-cubains. En 2015, on a assisté à la poursuite de cette politique étrangère, mais aussi à l’apparition de nombreux questionnements quant à l’aboutissement possible de ce dégel.
Après ce communiqué réalisé conjointement, les réunions entre les deux parties se sont intensifiées. Une rencontre historique a notamment eu lieu entre B. Obama et R. Castro au Sommet des Amériques en avril. L’aboutissement symbolique pour les deux États a été la réouverture de leurs ambassades respectives, à La Havane et à Washington, le 20 juillet 2015, moins d’un mois après la signature d’un accord, actant le rapprochement des deux pays. A ce moment, Les Yeux Du Monde s’était alors demandé si nous n’assistions pas à une véritable lune de miel des relations américano-cubaines.
Cela dit, des thématiques troublent toujours l’entente entre les deux camps. La plus importante est celle de l’embargo économique, imposé depuis le 23 février 1962 à Cuba par l’Administration Kennedy et durci à plusieurs reprises, notamment par la Loi Helms-Burton de 1992. Seul le Congrès des États-Unis peut décider de la levée l’embargo. Or, celui-ci est actuellement dominé par le Parti républicain et la majorité des élus de ce dernier est opposée à la politique lancée par B. Obama.
La principale inconnue dans l’équation du processus de normalisation des relations est l’élection présidentielle américaine, prévue en novembre 2016. Concernant ce sujet, B. Obama a pris toutes les décisions en utilisant son autorité exécutive. Rien n’a été pour le moment inscrit dans la loi. Cela signifie que le prochain président pourra revenir facilement sur ce qui a été convenu.
Si jamais un(e) démocrate s’installe à la Maison Blanche, il ne fait aucun doute que la logique de normalisation sera poursuivie. La favorite des primaires du Parti Démocrate, Hillary Clinton, a affirmé qu’il était temps que l’embargo soit levé « une bonne fois pour toutes ». Quant à son outsider, Bernie Sanders, il avait soutenu la décision de B. Obama dès décembre 2014.
Pour ce qui est des prétendants à la primaire républicaine, la situation est plus compliquée. Celui qui caracole en tête des sondages depuis plusieurs mois, le businessman Donald Trump, est pour la fin de l’embargo car cela représenterait une myriade d’opportunités pour les entreprises américaines. Par contre, ses dauphins actuels sont tous contre la normalisation des relations, excepté Rand Paul (crédité d’environ 2,6% d’intentions de vote). Ted Cruz et Marco Rubio, ayant tous deux des liens avec la communauté cubano-américaine, se sont violemment opposés à la politique défendue par B. Obama. Il en est de même pour Jeb Bush, celui qu’on attendait plus présent dans le débat pré-primaires.
Si les primaires avaient lieu aujourd’hui, H. Clinton et D. Trump seraient élus. Le processus de normalisation aurait alors de fortes chances de progresser durant les 4 prochaines années. Cependant, il n’est pas rare que des retournements de situation aient lieu avant les primaires de chaque camp. L’incertitude régnera donc encore de longs mois. De nombreux observateurs affirment néanmoins que le sujet des relations entre Cuba et les Etats-Unis ne sera pas un thème clivant de l’élection présidentielle. En effet, l’opinion publique américaine est massivement pour la fin de l’embargo économique.
Quant à la capacité d’un nouveau Président républicain à défaire tout ce qui a été durement négocié, elle peut être mise en question. En effet, s’il prend une telle décision, il risque un véritable incident diplomatique. D’autant que toute la communauté internationale, en particulier l’Amérique latine, surveille avec attention la progression de cette politique. Cela dit, au lieu de tout supprimer de façon officielle, il pourra surtout faire traîner en longueur le processus, et le laisser en suspend, en privilégiant d’autres thématiques.