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La taxe GAFA, symptôme de l’impuissance européenne

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La taxe GAFA est devenue l’arlésienne de l’Europe. Pourtant, l’ambition d’une imposition harmonisée des géants du web s’est érigée comme un enjeu crucial pour l’unité européenne. Bruxelles ne se veut en ce sens pas défaitiste, ayant proposé en 2018 un panel de politiques volontaristes. Cette aspiration n’est-elle cependant pas vouée à rester de l’ordre du fantasme tant l’omnipotence des GAFA semble grande ?

Un aperçu de Bruno le Maire, promoteur français de la taxe GAFA nationale
Le Ministre de l’économie français Bruno le Maire, défenseur du projet national de taxe GAFA

L’Europe est une terre des possibles pour les GAFA (Google, Amazon, Facebook et Apple). C’est du moins ce dont témoignent ces derniers au travers de pratiques d’optimisation fiscale, ayant occasionné une véritable guerre de position face à Bruxelles. En 2017, Google ne s’est par exemple acquitté que de 14,1 millions d’euros au fisc français, pour un chiffre d’affaires de 325 millions d’euros. Pire encore, Apple n’a reversé que 19,1 millions d’euros pour 800 millions de chiffre d’affaire. Malgré l’unité affichée, l’Union européenne a pourtant constitué un terreau fertile à ces pratiques. Chaque état membre peut en effet pratiquer une fiscalité souple pour renforcer son attractivité dans une optique de concurrence intra-européenne.

L’Europe s’est retrouvée prise dans son propre piège. Forts de ce constat, les états membres ont donc fait le pari d’une harmonisation fiscale à échelle continentale : la taxe GAFA. La Commission européenne a dans cette optique dévoilée, le 21 mars 2018, son projet de Taxe sur les services numériques. Celle-ci entend une imposition à hauteur de 3% du chiffre d’affaire des entreprises, et non plus des bénéfices, pour 5 milliards d’euros de gains potentiels annuels.

GAFA et taxe GAFA, creusets de la désunion européenne ?

La taxe GAFA est pourtant un échec aussi fulgurant que cuisant. La Suède, le Danemark et la Finlande opposent dès juin 2018 une fin de non-recevoir au projet, soulignant des externalités néfastes. La réalité met cependant en lumière une situation plus délicate. Ainsi, certains états sont devenus pleinement dépendants de l’activité des GAFA. Le Danemark et la Suède accueillent les data centers de Facebook, quand l’Irlande est redevable envers Apple. Sa filiale de Cork a notamment généré 6000 emplois et dynamisé l’économie locale. De plus, Malte, le Luxembourg et les Pays-Bas tirent profit des activités de holding des GAFA implantées sur leurs territoires.

Face à la primauté parfois forcée des intérêts particuliers, la France se veut à l’inverse pugnace. Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, a en ce sens promu une taxe GAFA nationale, adoptée par la Commission de l’Assemblée et très prochainement soumise au vote. Une initiative néanmoins isolée et sujette à critiques. Le ton est notamment monté avec Washington, le Secrétaire d’État américain Mike Pompeo exhortant Paris à ne pas choisir cette voie.

Les GAFA sont-ils devenus plus puissants que l’Europe ?

Infographie taxe gafa

Sources :

AFP – L’EXPRESS, La France veut lancer sa taxe GAFA malgré les résistances américaines, L’Express, 5 avril 2019

DANIEL Justine, Qu’est-ce que la taxe GAFA ? Toute l’Europe, 8 avril 2019

FABRE Thierry, Taxe Gafa : l’Europe sur le point d’échouer à cause de ses divisions, Challenges, 1er décembre 2018

POINGT Guillaume, Combien d’impôts paient les GAFA en France et comment l’État va-t-il les taxer ? Le Figaro, 5 janvier 2019

TAYLOR Charlie, Apple’s secretive Cork facility opens up – to an extent, The Irish Times, 11 janvier 2018

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Antoine Vandevoorde

Antoine Vandevoorde est analyste en stratégie internationale, titulaire d'un Master 2 Géoéconomie et Intelligence stratégique de l'IRIS et de la Grenoble Ecole de Management depuis 2017. Ses domaines de spécialisation concernent la géopolitique du cyberespace, les relations entreprises - Etats, l'intelligence économique et l'Afrique. Il est rédacteur aux Yeux du Monde depuis mars 2019.

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