Marché automobile iranien et investissements français : des constructeurs rattrapés par les réalités diplomatiques ?
Alors que Renault a signé le 30 Septembre dernier un accord avec l’Iran pour la création d’une coentreprise, il convient de dresser un état des lieux concernant les investissements des constructeurs français sur le marché iranien après la levée partielle des sanctions économiques en Janvier dernier.
Renault et Peugeot, des décisions contrastées lors de l’embargo
Mais avant toute analyse, un retour en arrière s’impose pour comprendre les liens historiques entretenus entre l’Iran et les constructeurs automobiles français. Peugeot, par l’intermédiaire de l’achat des activités européennes de l’américain Chrysler en 1978, hérite d’une présence industrielle locale en Iran. La marque au Lion intensifiera par la suite cette implantation en collaboration avec le constructeur Iran Khodro faisant de la République Islamique son deuxième débouché en volume après la France. Ce partenariat florissant est pourtant stoppé brutalement en 2012 alors que les sanctions internationales tombent sur l’Iran accusé de développer un programme nucléaire militaire. Derrière cette décision, se cache surtout la pression du Trésor Américain faisant jouer la présence éphémère de General Motors parmi les actionnaire du groupe. A l’opposé, Renault décide de rester. Sa collaboration persistante avec Saipa n’en sera néanmoins que symbolique tant sa production est limitée du fait des sanctions.
Des constructeurs à l’assaut du marché iranien après la levée des sanctions
Avec l’accord intérimaire de Juillet 2015 et sa confirmation en Janvier 2016, la perspective de la levée partielle des sanctions économique déclenche un branle-bas de combat parmi les constructeurs français. En effet, la réouverture de l’eldorado iranien offre un relais de croissance non négligeable. Outre un taux d’équipement faible, la demande d’une valeur ajoutée accrue dans les équipements par une classe moyenne solvable fait saliver les fabricants français qui ne sont néanmoins pas seuls dans cette bataille. En plus de volontés allemandes encore au stade de la projection, les compagnies chinoise ont largement investi pendant l’embargo le marché iranien profitant du vide laissé par Peugeot notamment.
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Dans ce contexte, les négociations menées par Peugeot et Renault sont marquées par leurs décisions respectives de 2012. Si Renault a multiplié les accords et investissements faisant largement usage de sa fidélité à la République Islamique en 2012, Peugeot et son directeur Carlos Tavarez ont dû jouer des coudes consentant à des excuses et même à des indemnités. Ces reconfigurations partenariales ont été également marquées pour les deux constructeurs par des modifications dans les “business models”. Le gouvernement iranien principal acteur dans une économie étatiste souhaite en effet que les contrats signés bénéficient à l’économie locale à travers la garantie d’emplois créés, des transferts de technologie mais aussi la reconfiguration des usines comme bases d’exportation de véhicules dans tout le Moyen Orient. Cette volonté a trouvé une traduction directe dans les contrats signés par Peugeot et Renault avec leurs homologues iraniens.
Des constructeurs rattrapés par les réalités diplomatiques ?
Il n’empêche, malgré les signatures de contrats stratégiques, les deux constructeurs français subissent encore des pressions diplomatiques directes ou indirectes ralentissant leur implantation en Iran. Il faut d’abord évoquer les conséquences de la position diplomatique française dans la négociation iranienne faisant preuve d’une rigidité extrême. Outre la négociation, l’application française des sanctions économiques contre l’Iran de 2012 à 2015 a reflété pour reprendre les termes du sénateur Philippe Marini un “jusqu’au boutisme destructeur d’un point de vue économique” alors même que d’autres pays occidentaux ont fait preuve d’une flexibilité montrant “une distorsion dans l’application des sanctions”. De fait, Renault et Peugeot pâtissent à la fois du zèle français dans l’application des sanctions mais aussi de la position diplomatique française lors de la négociation.
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Au-delà de cette réalité diplomatique française, le pays de l’Oncle Sam joue lui aussi encore les troubles-fêtes à travers deux leviers, l’un juridique et l’autre bancaire. D’une part, le risque de l’interruption d’un investissement à mi-parcours si l’Iran venait à ne pas respecter ses engagements en matière nucléaire existe. Ce dispositif “snap back” éclairant par ailleurs l’extraterritorialité du droit américain place ainsi une épée de Damoclès juridique sous les constructeurs français dont les services juridiques de “compliance” doivent pouvoir prendre en compte l’instabilité juridique entourant l’implantation des fabricants. D’autre part, outre les pression du lobby américain UANI (United Against Nuclear Iran) sur les entreprises françaises, le Trésor Américain joue lui aussi un rôle dans la lenteur du processus d’implantation du fait des craintes qu’il communique aux banques françaises dont les fabricants ont besoin pour accompagner leurs investissements. Beaucoup ont ainsi en tête l’amende record infligée à BNP Paribas en 2014, la banque ayant entre autres violé l’embargo américain sur l’Iran réalisant des transactions en dollars avec la République Islamique. Les fabricants français devront ainsi faire preuve de patience dans leurs objectifs d’implantation tant la pression américaine ne diminue pas malgré le respect par l’Iran de ses engagements comme l’a confirmé au Monde le 30 Septembre le directeur de l’AIEA Yukiya Amanon.
Pour aller plus loin:
-Rapport du Sénat de 2014, sur l’état des relations économiques franco-iraniennes
https://www.senat.fr/rap/r13-605/r13-6051.pdf
Sources:
http://orientxxi.info/magazine/l-iran-un-marche-prometteur-pour-les-entreprises-francaises,0945
http://www.wsj.com/articles/peugeot-signs-car-deal-with-iran-khodro-1453972892
http://www.france24.com/en/20160804-secret-american-ngo-blocking-french-investments-iran-uani-usa