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Loi contre les violences faîtes aux femmes : la continuation de « l’exception tunisienne » ?

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Le Président tunisien Essebsi au 38e Sommet du G8 à Deauville.

 Après deux ans en gestation, le projet de loi contre la violence faîte aux femmes a été adopté en Tunisie à l’unanimité le 26 juillet 2017, preuve de son « exception« .

Il prévoit la reconnaissance de toutes les formes de violence (psychologique, morale, économique …), la mise en place d’une assistance juridique et psychologique aux victimes ainsi que la garantie d’une totale égalité des droits. En outre, cette loi abroge une disposition controversée du Code pénal qui permettait à un violeur d’épouser la victime mineure afin d’échapper aux poursuites. Cette dernière renforce l’article 46 de la Constitution qui introduisait en 2014 pour la première fois dans le monde arabe un objectif de parité. La problématique de la violence quitte alors la sphère privée pour devenir une question d’Etat.

Si d’autres pays du monde arabo-musulman ont également décidé de voter une telle loi, il n’empêche que de nombreux écueils la fragilisent. En Algérie par exemple, une loi a été votée en 2015 afin de défendre les femmes contre le harcèlement et contre les violences de leur conjoint. Ce texte, qui est un nouveau pas vers l’égalité homme-femme présente néanmoins une faille : la « clause du pardon ». Cette dernière stipule que le pardon de l’épouse mettra fin aux poursuites judiciaires ou les atténuera. Les effets de cette loi semblent donc limités … C’est au tour du Maroc en 2016 de faire entrer en vigueur la deuxième version du projet de loi contre les violences faites aux femmes. Néanmoins, certaines dispositions font l’objet d’importants mécontentements. Les définitions des différentes formes de violence évoquées dans le texte sont trop floues et pourraient, de ce fait, constituer de nombreuses failles juridiques pour légitimer ou justifier certaines formes de violence. De plus, ce projet de loi exclut plusieurs catégories des femmes (célibataires, migrantes …) de la protection juridique.

C’est pourquoi, ce projet de loi « historique » adopté par le pays du Jasmin illustre de nouveau cette singularité, cette « exception tunisienne ». Cette expression, surtout utilisée pour comparer la réalité de la Tunisie à celles d’autres pays, traduit dans le monde d’aujourd’hui la place de la femme tunisienne, devenue figure d’exception dans le monde arabo-musulman. La Tunisie apparaît comme le pays précurseur concernant le droit des femmes : elle a conduit la première révolution civile, féminine et pacifique dans le monde arabe. Revendiquant ses lumières depuis le XIXe siècle où deux monarques éclairés conduisirent la Tunisie sur la voie de la modernité, la poursuite de la politique d’émancipation des femmes apparaît unique dans un pays musulman. Après l’Indépendance tunisienne en 1956, celui qui est alors Premier ministre et qui devient en 1957 Président de la République tunisienne, Habib Bourguiba, engage avec son gouvernement toute une série de réformes dites « révolutionnaires » concernant l’éducation pour tous et les droits de la femme. L’essentiel de ces réformes contenues dans le Code du statut personnel a enfin accordé une place aux femmes dans la société et au sein de la famille : elles instituaient la quasi égalité entre l’homme et la femme, la prohibition de la polygamie, le divorce judiciaire, le planning familial.

Pays moderne où l’on revendique l’avenir de la liberté et de la démocratie, la Tunisie diffuse ses lumières à travers un monde arabo-musulman où il est temps de faire évoluer les mentalités. Comme le disait le Président Essebsi, « Au fil de sa longue histoire, la Tunisie a acquis une maturité sociopolitique et culturelle qui la distingue dans son environnement arabo-musulman. »

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