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Quel bilan pour Michelle Bachelet ?

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Elle est indéniablement l’une des grandes figures du Chili post-dictature. Michelle Bachelet vit pourtant ses derniers mois au palais de la Moneda, qu’elle a déjà occupé de 2006 à 2010, puisqu’elle quittera ses fonctions en mars prochain. Le 17 décembre, le pays choisira en effet son successeur lors du second tour des présidentielles, entre l’ex-président de droite Sebastián Piñera et Alejandro Guillier, candidat de l’alliance réformiste actuellement au pouvoir. Dès lors, que retenir du second mandat de Mme Bachelet ?

Malgré les difficultés, des réformes emblématiques

Palais de la Moneda, à Santiago du Chili

Si la première femme présidente du Chili avait terminé son premier mandat avec des taux d’approbation records (la Constitution empêche au président d’exercer deux mandats consécutifs), le moins que l’on puisse dire c’est que ce second mandat à la tête de l’exécutif chilien fut plus compliqué. Dans l’un des pays les plus ultra-libéraux – sur le plan économique – du monde, Bachelet avait été facilement réélue en 2013 avec un programme de réformes sociales ambitieux, mais s’est pourtant rapidement heurtée à nombre de difficultés. Tout d’abord, le système électoral binominal hérité de la Constitution imposée par la dictature assure à l’opposition une quasi-majorité de sièges, empêchant toute coalition gouvernementale d’une majorité large, nécessaire pour certains types de réformes. Il apparaissait dès lors évident que, comme lors de son premier mandat, nombre de réformes emblématiques – réforme constitutionnelle, gratuité à l’Université ou encore réforme fiscale – se heurterait à d’âpres oppositions au Congrès. En plus de cet élément structurel, deux éléments plus « conjoncturels » sont venus entraver la bonne marche de la politique de Bachelet. Le premier est lié à la grave affaire de corruption dans laquelle est impliqué son fils, Sebastián Dávalos, ayant surgi en février 2015 et ayant particulièrement affecté la popularité de la présidente. Le second tient au ralentissement de l’économie chilienne, en raison notamment d’une chute des cours du cuivre, dont le Chili est le premier producteur mondial.

En dépit de ces vents contraires, nombres de mesures importantes ont été prises. Sur le plan sociétal, la dépénalisation de l’avortement (seulement en cas de viol, de risque avéré pour la santé de la mère et de fœtus non-viable), l’adoption de l’union civile pour les couples homosexuels ou encore la dépénalisation du cannabis (usage médicinal et culture domestique) ont été acquises au prix d’une grande bataille au parlement. Trois grandes réformes, non-abouties par rapport au projet initial, symbolisent davantage le mandat mi-figue mi-raisin de la deuxième présidence Bachelet. Tout d’abord, la gratuité de l’enseignement universitaire pour tous, mesure promise à la suite des innombrables mouvements étudiants qui se sont succédés au Chili depuis une décennie, et qui ne fut adoptée au final que pour 50% des étudiants chiliens. Seconde réforme, la réforme fiscale, avec par exemple une hausse des impôts des entreprises de 20 à 25%, visant à améliorer le financement des systèmes de santé et d’éducation, mais qui a été amputée de nombreuses mesures : le Chili demeure l’un des pays avec l’un des plus faibles taux d’imposition de l’OCDE. D’autre part le système électoral a été modifié avec l’introduction de la proportionnelle, mais garantit toujours une large prépondérance et un équilibre des deux grandes coalitions de gouvernement, la Nueva Mayoría (centre-gauche) et Chile Vamos (droite). Enfin, d’autres réformes considérées comme primordiales par la population, comme une nouvelle Constitution, le changement du système des AFP (pensions de retraites par capitalisation) ou du système de santé, n’ont quant à elles pas vu le jour.

La Bolivie, grande question de la politique étrangère chilienne

Sur le plan de la politique extérieure, le Chili s’est montré actif, siégeant au Conseil de Sécurité de l’ONU sur la période 2014-2015, signant le Partenariat Trans-Pacifique et le traité de Paris sur l’environnement (le Chili est d’ailleurs l’un des pays en pointe sur la question des énergies renouvelables). Le pays a aussi approfondi sa participation à l’Alliance du Pacifique, composée avec le Mexique, le Pérou et la Colombie, recevant le XIe sommet de l’organisation à Puerto Varas et approuvant l’entrée en vigueur d’un traité de libre-échange entre les pays-membres. D’ailleurs, concernant le Pérou, les relations entre les deux pays se sont très clairement apaisées à la suite du jugement du Cour internationale de justice de La Haye en 2014, ayant rendu un triangle maritime à ce pays, mettant fin à un litige hérité de la Guerre du Pacifique.

Si Michelle Bachelet s’est évertuée à entretenir des bonnes relations avec le Pérou, celles avec la Bolivie n’ont fait qu’empirer au cours de son second mandat. En effet, lors de son premier gouvernement, de grands espoirs de réconciliation entre les deux pays – dont les relations diplomatiques sont interrompues depuis 1978 – sont nées avec « l’agenda des 13 points » concernant entre autres choses la question de l’accès à l’océan Pacifique, perdu par la Bolivie au cours de la même guerre du Pacifique. Fautes d’avancées, cette dernière a saisi la Cour internationale de justice de La Haye, et les provocations d’Evo Morales ont envenimé le débat, culminant avec une crise début 2017 lors de l’arrestation de fonctionnaires boliviens ayant pénétré illégalement au Chili. Celui-ci a à son tour saisi la Cour pour une autre question, concernant l’usage de la rivière Silala à la frontière des deux pays. Il est peu probable que des changements fondamentaux aient lieu après les élections de décembre, puisqu’il existe un relatif consensus droite-gauche au Chili autour de la question maritime bolivienne.

Michelle Bachelet et Evo Morales en 2015

Le second mandat de Michelle Bachelet aura donc été beaucoup plus contrasté que le premier, tant sur le plan économique et social que sur le plan international. Les résultats du premier tour de l’élection présidentielle sont venus sanctionner cet état de fait, avec une droite favorite pour revenir à la Moneda avec Sebastián Piñera. Quant à la majorité présidentielle qui avait porté Bachelet au pouvoir en 2013, elle est éclatée entre le Frente Amplio, coalition hétéroclite composée de partis du centre et de la gauche radicale, ayant créé la surprise, atteignant la barre des 20% avec Beatriz Sánchez, et les candidats dissidents du PS et de la Démocratie-Chrétienne, cumulant à eux-deux 10% des voix. Si le candidat officiel de la majorité gouvernementale, Alejandro Guillier, a réussi à franchir le cap du premier tour avec 22%, nul doute que le combat sera rude pour empêcher Sebastián Piñera d’entrer de nouveau à la Moneda.

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Lucas MAUBERT

Doctorant en Histoire à l'Université de Tarapacá (Chili). Diplômé de l'IEP de Rennes et de l'Université Rennes 2. Rédacteur pour Les Yeux du Monde depuis 2016.

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