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Biélorussie : La Russie interviendra-t-elle ?

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La Biélorussie est au centre des attentions internationales depuis les élections du 9 août dernier. Le président Alexandre Loukachenko fait face à une contestation d’une ampleur inédite. Chaque dimanche des milliers de manifestants se rassemblent pour demander son départ. Alors que l’Union européenne soutient les manifestants, la Russie propose aujourd’hui son aide au président biélorusse.

Le président Loukachenko

Une forte empreinte russe.

La république de Biélorussie occupe un territoire qui se trouve dans le giron russe depuis la fin du 18ème siècle. La population est slave, orthodoxe, mais avec une importante minorité catholique au nord et à l’ouest. Après une indépendance éphémère en 1918, l’Est de la Biélorussie devient soviétique en 1921 et l’Ouest en 1939. A partir de 1945, la Biélorussie est l’une des quinze républiques socialistes soviétiques. Alexandre Loukachenko arrive au pouvoir en 1994 avec le soutien des ouvriers et des agriculteurs. Face au choc économique provoqué par la fin de l’URSS, ceux-ci rejettent les réformes engagées pendant la période transitoire.

Alexandre Loukachenko a toujours cherché à préserver des relations fortes avec la Russie, parfois au détriment de l’identité biélorusse. En parallèle, la Biélorussie est stratégique pour la Russie. Elle constitue une route d’exportation majeure pour le pétrole et le gaz naturel russe. C’est aussi une porte d’entrée vers son enclave de Kaliningrad, puisqu’elle lui donne un accès à la trouée de Suwalki, entre Pologne et Lituanie. Ainsi, en 1997, le président biélorusse signe avec Boris Eltsine, le traité créant l’Union de la Russie et de la Biélorussie. Les deux pays entrent alors dans un processus d’union de type confédéral. Le traité instaure notamment des tarifs préférentiels pour le commerce bilatéral.

Un président nostalgique de l’ère soviétique.

Alexandre Loukachenko, premier et unique président biélorusse, a très vite engagé son pays dans une économique dirigiste, contrôlée et soutenue par l’État. La Biélorussie retrouve rapidement une croissance de son PIB et le niveau de pauvreté diminue. A cela s’ajoute une situation de quasi plein-emploi combinée à des systèmes de santé et éducatif efficients. Ainsi, Alexandre Loukachenko se maintient au pouvoir et tous les cinq ans, il annonce être réélu avec plus de 80% des voix.

Mais chaque élection est marquée par des contestations d’opposants et d’institutions internationales.  Les partis d’oppositions sont réprimés et les soupçons de fraudes électorales sont récurrents. Des manifestations d’ampleur ont eu lieu lors des élections de 2006 et 2010. En 2015, le président Loukachenko semble afficher une certaine volonté d’ouverture vers l’Europe de l’ouest. Il libère six opposants politiques pour permettre la levée des sanctions européennes prises suite aux précédentes élections. Ainsi, Vladimir Poutine ne suit pas toujours le président Loukachenko, le considérant parfois comme un allié « instable ».  Et ce dernier, résiste aux pressions de Moscou qui souhaite une intégration plus poussée entre les deux pays, comme le prévoit le traité d’union.

Des relations en dent de scie avec la Russie.

Pendant longtemps la Russie a été le seul partenaire commercial de la Biélorussie. Minsk achetait chaque année 24 millions de tonnes de pétrole brut à la Russie. 75% était raffiné et exporté, constituant ainsi un apport financier majeur. Fin 2019, les relations sont marquées par d’importants désaccords sur le prix préférentiel du pétrole accordé par la Russie. Minsk diversifie alors ses sources d’approvisionnement en se tournant vers le Moyen-Orient, l’Asie centrale mais aussi les États-Unis.  En juillet, Moscou a signé un nouvel accord mais la Russie n’est plus un fournisseur incontournable pour Minsk.

La fermeté du régime à l’égard des velléités expansionnistes de la Russie a longtemps rassuré la population russe.  Cette fermeté s’est accentuée depuis 2014 et l’annexion de la Crimée. Avant les élections, Alexandre Loukachenko a accusé la Russie de manipuler l’opposition pour déstabiliser son régime. Les relations autrefois fraternelles semblent devenues plus opportunistes. Aujourd’hui, face à la crise économique et sanitaire les soutiens traditionnels d’Alexandre Loukachenko s’effritent. Celui-ci cherche l’aide de son voisin russe. Pour cela, il accuse les occidentaux de vouloir le renverser dans le but d’affaiblir la Russie. Vladimir Poutine lui a d’abord apporté un soutien prudent. Aujourd’hui, le Kremlin se dit prêt à intervenir et a annoncé avoir « constitué une certaine réserve d’agents des forces de l’ordre ».

 

Les manifestations actuelles sont coordonnées depuis la Pologne, par Nexta, une chaîne de l’application de messagerie cryptée Telegram. Le rôle de l’opposante Sveltlana Tikhanovskaïa reste très limité et symbolique. Le mouvement populaire est plutôt spontané et ne repose sur aucun programme politique en particulier, si ce n’est la tenue de nouvelles élections. Que va faire Vladimir Poutine ? Peut-il se permettre d’accepter un changement de régime en Biélorussie ? Cela signifierai sans doute la perte d’un allié stratégique et pourrai ouvrir la porte à un scénario identique en Russie…

 

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Marie-Christine BIDAULT

Marie-Christine Bidault est étudiante en journalisme à l'ESJ Paris. Par ailleurs Analyste en stratégies internationales (IRIS Sup') et Ingénieur en agriculture (ISARA Lyon), elle s'intéresse fortement aux questions de géopolitiques environnementale, agricole et alimentaire, avec un intérêt particulier pour les politiques américaines.

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