Theresa May pour la postérité
Le 8 juin auront lieu les élections législatives anticipées au Royaume-Uni, le parti de Theresa May actuellement au pouvoir, les Conservateurs, est largement favori dans les sondages. Depuis son accession au poste de Premier ministre, Theresa May s’est octroyée un maximum de pouvoir. Cette élection est censée être la dernière étape du processus. Si les sondages se confirment, elle aura les mains libres pour négocier le Brexit, et en sera probablement tenue pour unique responsable.
Dès décembre 2016 Theresa May a indiqué qu’elle ne demanderait pas l’approbation du Parlement pour voter l’accord final du Brexit. Puis, en janvier, la cour suprême statue sur l’article 50 du Traité sur l’Union Européenne: le gouvernement devra obtenir l’approbation du Parlement pour l’invoquer. Qu’à cela ne tienne, l’équipe de Theresa may répond par la loi la plus courte de l’Histoire britannique (130 mots). Cette « Brexit bill » avait pour but de laisser la marge de manoeuvre la plus large possible au gouvernement, et a été votée telle quelle par le Parlement.
Au vote de cette loi a succédé l’activation de l’article 50, puis l’annonce d’élections anticipées. Aujourd’hui, le parti conservateur est crédité de 44% des intentions de vote. Si un le résultat se confirme, le gouvernement bénéficiera d’une large majorité lui permettant de mener la négociation sans encombre.
Dans le pays inventeur de la démocratie parlementaire, de tels pouvoirs entre les mains de l’exécutif est quelque chose de rare, la volonté démocratique va donc être plus que jamais portée par une seule personne, et on peut faire confiance aux Britanniques pour tenir cette personne responsable du résultat.
Le Brexit représente d’ores et déjà une rupture historique
Cette rupture c’est celle du retour du concept de souveraineté nationale face à l’intégration économique internationale. Le Royaume-Uni est le premier pays à opérer un pas en arrière en quittant l’intégration économique internationale qui a débuté dès la fin de la Seconde Guerre mondiale avec entres autres, la création des institutions de Bretton Woods (FMI, GATT et Banque mondiale).
Les citoyens britanniques considèrent plus important le recouvrement de leur souveraineté, notamment en matière d’immigration et de justice, que les avantages que lui procure le marché unique de l’UE.
Aujourd’hui, la majorité des observateurs considère que l’économie britannique sera durement impactée. Principalement parce que l’UE est son plus important partenaire commercial, que le commerce compte pour 56% du PIB britannique, et que 60% de ses exportations sont composées de services. Hors, l’UE est le marché le plus avancé en termes de libéralisation du commerce des services. L’accord de libre-échange qui sera négocié à la suite du retrait du Royaume-Uni de l’UE sera donc forcément moins avantageux. D’un autre côté, l’unité du Royaume est mise en question puisque l’Irlande du Nord et l’Ecosse ont majoritairement voté contre le Brexit. Le parti nationaliste écossais évoque déjà l’organisation d’un référendum sur l’indépendance.
Mais essayons un instant d’imaginer une issue positive au Brexit pour le Royaume-Uni. Imaginons que l’impact sur son économie ne soit pas irréversible, que le pays parvienne à trouver un juste milieu intéressant entre souveraineté et intégration économique, et qu’il négocie d’efficaces accords de libre-échange avec d’autres grandes nations commerciales. Alors la Grande Bretagne apparaîtra comme un précurseur.
Car cette tension entre souveraineté nationale et intégration économique internationale ne concerne pas exclusivement le Royaume-Uni. C’est la raison de la montée de la contestation à l’égard de l’UE, c’est la raison du score historique du FN à la dernière élection présidentielle française. Elle peut même expliquer en partie l’élection de Trump, qui avait promis de renégocier l’ALENA.
Si cette tension perdure et que dans quelques années les économies les plus intégrées s’effondrent, après une crise financière et/ou monétaire par exemple, les conséquences économiques seraient là aussi terribles et les populistes crieraient qu’ils avaient raison. Les dysfonctionnements seraient gérés après coup et dans l’urgence, et non dans des conditions optimales.
Si jamais une telle situation advenait, le Royaume-Uni et donc Theresa May apparaîtraient comme des visionnaires. Le Royaume-Uni aurait l’image de celui qui a traité le problème avant qu’il ne soit trop tard et se faisant, éliminé complètement les populistes. En effet, le UKIP suit le chemin de son créateur, Nigel Farage, qui a démissionné au lendemain du référendum. Le parti est passé de 146 à 1 siège aux dernières élections locales et semble parti pour laisser la place aux conservateurs pour les élections législatives.
Bien entendu tout ceci ne reste que spéculation, la seule chose dont on peut être sûr c’est que Theresa May restera dans l’Histoire, pour le meilleur ou pour le pire.