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Les islamistes d’Ennahda deviennent « modérés » : les forces démocrates s’unissent face à la crise économique en Tunisie.

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Dans le vacarme assourdissant des prémices de la démocratie s’est achevé hier l’étonnant congrès du parti islamiste au pouvoir en Tunisie, Ennahda. Depuis la révolution de jasmin, chacun enchaîne les philippiques contre son adversaire politique pour imposer son idéal et faire jaillir des décombres de Tunis l’espérance d’une Constitution démocratique stable. Cette réécriture du pacte national tunisien est périlleuse car l’encre utilisée par Ben Ali est trop sèche désormais pour galvaniser les foules et les réunir autour d’un projet commun. Réussir ce palimpseste revient à renforcer la stabilité nécessaire au relèvement du pays.

Toutefois, en attendant que le Parlement sorti des urnes législatives en octobre 2011 rende sa Constitution en octobre 2012, les observateurs occidentaux s’inquiètent. L’intronisation d’Ennahda, parti islamiste dont les Frères musulmans sont le modèle, laisse entrevoir un coloris vert sur le parchemin démocratique, c’est-à-dire une islamisation des lois du pays. Le Congrès tenu hier cherchait à définir précisément la position du parti majoritaire à ce sujet. La réponse fut brève et surprenante : Ennahda est un parti « modéré » et « centriste ». Les phantasmes occidentaux du Choc des civilisations, depuis toujours décriés au fil de nos chroniques, s’évanouirent sans laisser de trace.

Ce positionnement d’Ennahda ne doit pourtant rien au hasard. Avec 89 sièges sur 300, le parti islamiste ne détient pas la majorité absolue pour gouverner. Grâce à ses alliances avec le Congrès pour la République (29 sièges) et avec Ettakatol (18 sièges) du centre-gauche, les islamistes ont monté une majorité pour gouverner la destinée de la Tunisie.  Alliance formée pour lutter contre la droite intégriste et le pouvoir des salafistes. Mais alliance contre-nature quand on sait que le CPR et Ettakatol prônent une égalité des sexes et une laïcisation du régime. Pour persister au pouvoir, les islamistes d’Ennahda ont ouvert les négociations avec les laïcs et s’apprêtent à faire quelques concessions. Ce processus de négociations, de tâtonnements, de compromis renforce la démocratie tunisienne et éloigne le spectre d’une théocratie aux portes de l’UE.

Derrière ce miracle prétendu on décèle pourtant une inquiétude grandissante. En se déclarant centristes, les islamistes d’Ennahda s’assurent du soutien de la gauche laïque alors que la Tunisie s’enfonce dans une crise économique aux conséquences néfastes pour la démocratie. Le carnet de commandes des industries s’étiole au gré de la crise européenne puisque l’UE représente 76% des exportations en Tunisie. L’instabilité politique a réduit drastiquement les IDE et le tourisme, premier employeur du pays. De son côté, la demande se réduit à mesure que les conditions d’accès au crédit se renforcent. Et 18.1% de la population doit faire face au chômage. La récession de 2011 (-1.5%) met en péril les fondements démocratiques du pays et avive, dans la pauvreté qu’elle crée, les rancœurs des extrémismes.

Pour demeurer, Ennahda avait besoin du soutien des laïcs. Le congrès transforma une force islamiste en un parti islamo-conservateur. Cette métamorphose marque le triomphe du processus démocratique, fait de dialogues et de concessions. Même si des nuages dus à la récession s’amoncellent au-dessus des plages tunisiennes.

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