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Somalie : une élection impossible ?

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La Somalie désignera son nouveau président de la République d’ici au 31 décembre. L’élection, initialement prévue le 30 novembre, a été reportée en raison de retard pris dans le processus de désignation des candidats. Cette élection, représente un espoir pour ce pays d’Afrique, l’un des plus pauvres au monde et où près de la moitié des 10,5 millions d’habitants a moins de 15 ans. L’espoir de voir des institutions solides renaître en Somalie est pourtant contrarié par l’extrême division du territoire, miné par l’insurrection islamiste.

Hassan Sheikh Mohamud, actuel "président" de la Somalie
Hassan Sheikh Mohamud, actuel « président » de la Somalie

Depuis un mois, 14 000 délégués et chefs de guerre somaliens procèdent à l’élection des 275 représentants qui siégeront à l’Assemblée nationale. Avant le 31 décembre, ce sont eux qui éliront le nouveau Président de la République. Depuis la chute du dictateur Syad Barré en 1991, le pays est considéré comme un État failli, ce qui signifie notamment que l’État n’est plus en mesure d’assurer la sécurité sur son territoire. Une preuve: le développement de la piraterie qui a nécessité la mise en place de la mission internationale anti-piraterie « Atalante » en 2008. L’objectif de cette élection est donc de redonner une légitimité au pouvoir central.

Aujourd’hui, la zone d’influence de l’actuel président Hassan Sheikh Mohamoud (candidat à sa propre succession) se limite à la capitale Mogadiscio et ses alentours.

La puissance des Chabab

Le principal ennemi de ces élections est le groupe djihadiste des Chabab («jeunes» en arabe). Ces derniers ont prêté allégeance à Al-Qaïda en 2009. Depuis le début du mois d’octobre, ils multiplient les attaques contre le gouvernement et ce qu’il représente. Que ce soit un ministre ou un soldat, tout ce qui se rapproche de l’autorité étatique est visé par les Chabab. La crainte est de les voir saper le processus électoral en cours. Car les Chabab sont puissants : ils contrôlent des territoires entiers dans le sud du pays où ils ont mis en place une véritable administration locale. Ils gèrent les dossiers urbains, comme la sécurité ou le ramassage des ordures. Ils ont institué un prélèvement de taxes ainsi qu’un système judiciaire, basé sur la charia, la loi coranique. Les Chabab, violents et très autoritaires, sont détestés par la population malgré les efforts entrepris pour remettre de l’ordre dans une zone rongée par les guerres claniques avant leur arrivée. Depuis 10 ans, l’Union Africaine a déployé une force de 22 000 soldats africains (l’AMISOM) pour les combattre et protéger la capitale. Ceci a eu pour effet de faire reculer le groupe djihadiste mais pas de l’éliminer. Ils seraient aujourd’hui 5 000 à combattre en Somalie.

Le Somaliland : une indépendance non reconnue

Les Chabab, devenus une puissance politique bien plus qu’un « simple » groupe djihadiste, ne sont pourtant pas les seuls à perturber l’élection en cours. Au nord, la région du Somaliland, s’est déclarée indépendante en 1991. Cette zone semi-autonome possède sa propre monnaie, son drapeau, sa capitale, son président et même une modeste armée! La communauté internationale n’a jamais reconnu le Somaliland comme indépendant. Mais ce déni n’a pas entamé sa détermination, et cette région compte boycotter jusqu’au bout les élections. Ces divisions permettent donc de douter de la légitimité du futur président, et de sa capacité à ramener le pays sur la voie de la stabilité. Il est à noter que ces élections se déroulent sur fond de corruption généralisée puisqu’un candidat peut débourser jusqu’à 10 000 dollars afin qu’un délégué vote pour lui !

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Pablo MENGUY

Ancien étudiant en école de journalisme, aujourd'hui en master à l'Institut français de Géopolitique (IFG).

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