Élections présidentielles en République tchèque : Quelles perspectives européennes ?
Samedi 27 janvier Miloš Zeman est sorti vainqueur des élections présidentielles tchèques avec 51,36% des voix. Il s’opposait à Jiří Drahoš, ancien patron de l’Académie des sciences. La confusion concernant la formation du nouveau gouvernement, qui dure depuis les législatives d’octobre, s’accompagne de la question de l’orientation de la politique étrangère du pays.
Politique intérieure
Premier pays de l’ex-bloc communiste à être admis à l’OCDE en novembre 1995, membre de l’OTAN mais ayant de bonnes relations avec la Russie, la République tchèque affiche une forte croissance et un chômage faible. Elle a rejoint l’Union Européenne en 2004 et est membre de l’espace Schengen, tout en restant en dehors de la zone euro.
Les élections présidentielles de fin janvier sont seulement les deuxièmes de ce genre dans le pays. En 2013, Miloš Zeman, à la tête du parti des droits civiques (SPO, social-démocrate) qu’il a créé en 2009, est devenu le premier président du pays élu au suffrage universel à deux tours, pour un mandat de cinq ans. Le second tour qui s’est tenu vendredi 26 et samedi 27 janvier a mis en lumière une profonde polarisation de la société tchèque. Le président sortant est arrivé en tête avec 51,36 % des voix. Il avait comme opposant l’ancien patron de l’Académie des sciences, Jiří Drahoš, indépendant de tout parti et pro-européen, se présentant comme étant l’homme capable de combattre le populisme et la montée de l’extrémisme dans le pays. Ce dernier a remporté 48,63% des suffrages.
La victoire de Zeman donne un second souffle au Premier Ministre démissionnaire Andrej Babiš. En effet, ce dernier, nommé par le président à la suite des élections législatives d’octobre 2017, n’avait jusqu’alors pas réussi à former de gouvernement. La plupart des partis ont ainsi refusé de le soutenir en raison des accusations de détournement de fonds dont il fait l’objet. L’homme d’affaire milliardaire et populiste, chef du mouvement centriste de l’ANO, se voit par là offrir suffisamment de temps pour négocier avec les autres partis et nommer un nouveau gouvernement, ce qui ne sera cependant pas chose aisée.
L’enjeu européen
Miloš Zeman, pro-russe et prochinois, a tenu des propos provocateurs et hostiles à l’immigration pendant ses cinq années au pouvoir. Le 5 novembre dernier, des représentants du pays était à Riga, pour le cinquième Sommet de coopération entre la Chine et les pays d’Europe centrale et orientale. Cet évènement marque l’ancrage du soft power chinois comme alternative financière à l’Union européenne dans la région, alors que les pays occidentaux investissent difficilement dans la zone.
Proche de l’extrême droite, Zeman est aussi ouvertement islamophobe mais représente aux yeux de la population le défenseur des intérêts tchèques. Sa victoire ne fait que renforcer un peu plus le camp eurosceptique au sein de l’Union et compliquer ses relations avec Bruxelles, alors que se tiendra en juin prochain le quatrième Sommet européen de Prague. Y seront abordés nombre de sujets en lien avec l’avenir de la construction européenne, notamment le rôle joué par la République tchèque dans l’UE.
Rappelons-le, le pays est membre du Groupe de Višegrad, dont les Etats parties sont fermement opposés à la politique des quotas de répartition des migrants, adoptée en 2015 à l’initiative du couple franco-allemand. A l’heure de la montée en puissance des populismes, il semble plus que jamais nécessaire que l’Europe se donne les moyens de fédérer ses Etats membres. A défaut, ces derniers s’en éloigneront encore un peu plus au profit de partenaires avec qui ils partagent des intérêts communs grandissants, comme la Chine. Pour cela, trois clarifications pourraient être proposées. Sur les frontières tout d’abord, afin de définir une identité claire, sur le pouvoir entre l’Union et les Etats nations, et sur le projet lui-même, dont le flou entretenu conduit inévitablement les peuples à décrocher. Comme le démontre le faible écart entre les deux candidats, loin d’être majoritairement euro-hostiles et pas totalement eurosceptiques, les résultats de cette élection semblent surtout être euro-désabusés.