L’Arménie post-révolution de velours
La révolution pacifique en Arménie, en avril 2018, qui a mis fin au régime des oligarques traditionnels pour faire place à un leader d’opposition, Nikol Pashinyan, a désormais plus d’un an. Quelles évolutions peut-on observer dans le pays ?
Une présence relative des oligarques
Nikol Pashinyan a construit une coalition fragile pour être élu Premier ministre en avril 2018. Il a dû rallier tous les partis d’opposition, et compter sur les défections ou les abstentions de certains députés du parti au pouvoir à l’époque, le Parti Républicain. En octobre 2018, cette coalition s’est fragilisée. Nikol Pashinyan a appelé à des élections anticipées, que son parti, Im Kayle, a largement gagné. C’est un boulevard qui s’est ainsi ouvert à Pashinyan pour mener à bien ses réformes.
Un an plus tard, les succès sont mitigés. Le régime perd en popularité régulièrement. Le leader de la lutte anti-corruption a été arrêté pour corruption. Dans la province du Syunik, où le Parti Républicain reste très influent, Nikol Pashinyan a mis en place un responsable de la police de « l’ancien régime », Hunan Poghosyan. Malgré des avancées en termes de transparence et lutte contre la corruption, deux grandes questions sur la politique intérieure posent problème.
Le procès Kocharyan
Robert Kocharyan, ancien Président de la République d’Arménie de 1998 à 2008, est en procès pour son rôle dans la répression des émeutes de 2008. Celles-ci font suite à l’élection de Serge Sargsyan comme Président, et ont fait officiellement dix morts. Ce procès déchaîne les passions car la justice, qui a toujours été contrôlée par le régime oligarchique, est considérée partiale. Le peu d’opposition restant face à Im Kayle est aujourd’hui le Parti Républicain, qui présente le procès contre Kocharyan comme un procès politique. Ainsi, Nikol Pashinyan n’a pas réussi à évincer le système oligarchique. Celui-ci devient la seule alternative au nouveau pouvoir en place, de plus en plus impopulaire.
La mine d’Amulsar
Autre sujet problématique pour Pashinyan, l’exploitation de la mine d’or d’Amulsar. L’entreprise Lydian International a obtenu les droits d’exploitation de la mine sous le régime du Partie Républicain. L’entreprise, pourtant douteuse, est domiciliée à Toronto, paradis fiscal pour les entreprises minières, et à Jersey, paradis fiscal britannique. Le Président d’Arménie, Armen Sarkissian, du Parti Républicain, est membre du Conseil d’Administration de Lydian, ce qui pose un conflit d’intérêt. Le manque total de transparence, et les graves conséquences environnementales que peut avoir l’exploitation amènent les populations locales à bloquer le site de la mine.
Nikol Pashinyan s’est construit sa légitimité sur le soutien populaire lors des manifestations de 2018. Pourtant, dans le cas d’Amulsar, Pashinyan s’est montré favorable à la multinationale plutôt qu’aux populations locales. Cela s’explique pour deux raisons principales : la crainte d’être poursuivi et de devoir payer une amende avec le mécanisme ISDS (mécanisme de réglèment des différends entre investisseurs et Etats), et la crainte de faire fuir les investissements internationaux si la concession est retirée à Lydian. Le ministère de l’Ecologie a commandé un audit à l’entreprise ELARD. Selon le ministère, l’audit concluait qu’il n’y a pas de risques pour l’environnement. Toutefois, ELARD a contredit la version du ministère. On constate donc des problèmes de rétention d’information, et peut être de corruption au sein du gouvernement de Pashinyan. Sa légitimité populaire initiale s’effrite plus surement que lentement, tandis que les anciennes pratiques qu’il entendait combattre se maintiennent jusqu’aux plus hauts niveaux de l’Etat.
Isolement régional ?
Sur la scène internationale, l’allié russe traditionnel a mal accueilli la révolution de velours. Vladimir Poutine était par ailleurs un proche de Robert Kocharyan et Moscou critique régulièrement le procès de l’ancien chef d’Etat arménien. Pashinyan tente désespérément d’améliorer les relations avec son allié. Les éléments pro-occidentaux du gouvernement ne remettent plus en cause l’adhésion à l’Union Economique Eurasiatique. L’Arménie a envoyé des soldats en Syrie dans le cadre de l’Organisation du Traité de Sécurité Collective. Pashinyan a même posté un selfie avec Poutine et Rouhani sur les réseaux sociaux, pour tenter d’améliorer les relations arméno-russes. Celles-ci restent toujours froides, ce qui est visible par le rapprochement russo-azéri.
La révolution n’a pas entraîné de rapprochement avec la Turquie d’Erdogan, la réconciliation avec l’Arménie n’apporterait aucun gain politique. Les sanctions économiques sur l’Iran, plus virulentes depuis l’arrivée de Donald Trump au pouvoir, bloquent une partie des échanges entre les deux Etats. Seules les relations avec la Géorgie se sont réellement améliorées. Le très timide rapprochement avec l’Azerbaidjan a permis de limiter le nombre de tirs à la frontière pendant quelques mois, mais la situation se re-dégrade à nouveau. Sur la scène internationale, la politique d’ouverture de Nikol Pashinyan n’a finalement que peu de résultats à l’heure actuelle. Le bilan, à un an et demi de la révolution de velours est donc particulièrement mitigé.
Bibliographie
« Lydian International announces appointment of Dr. Armen Sarkissian to Board », Panorama.Am, 25 mars 2013
Ani Mejlumyan, « Following outcry, Armenian government steps back on controversial mine project », Eurasianet, 5 septembre 2019
« Explainer: Why Armenia’s ex-president is on trial », Eurasianet, 19 septembre 2019
Cet article est très peu sourçé… Qu’est ce qui prouve que la Russie a mal accueilli la Révolution de velours… Cet article semble partial… C’est dommage!
Ces deux articles appuieront peut être mieux le point de vue comme quoi la Russie a mal accueilli la Révolution de velours
https://eurasianet.org/is-putin-coming-to-armenia
https://www.aseees.org/news-events/aseees-blog-feed/revolutionaries-and-realists-russian-armenian-relations-velvet
Bien sur, cela ne veut pas dire un changement radical d’alliance. Mais Moscou a toujours été proche du régime précédent, Kocharyan/Sargsyan. Une révolution entrainant la chute du régime et un nouveau gouvernement plus proche de l’Europe, ça ne peut avoir que des désavantages pour les intérêts de la Russie. Qui plus est, la quasi-totalité des révolutions qui se sont produites dans l’espace post-soviétique depuis 1991 se sont fait au détriment des intérêts de Moscou (si on exclut la révolution kirghize de 2010).
Quand à la partialité de l’article, je ne cherche à aucun moment à justifier un quelconque parti ou une quelconque idéologie. L’objectif de cet article est de voir dans quelle mesure l’Arménie post-révolution a évolué politiquement. Et si le changement est plus qu’évident, il serait illusoire de fermer les yeux sur les pratiques oligarchiques qui perdurent malgré la chute de Serj Sargsyan. Comme pour toutes les révolutions, passé un certain temps (ici un an et demi), le nouveau pouvoir en place tombe forcément dans des contradictions. Ce sont ces contradictions que je cherchais à soulever.