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Tokyo 2020 : un report aux lourdes conséquences [1/3]

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La flamme olympique n’illuminera pas le ciel de Tokyo en 2020. Le relais s’est arrêté à Fukushima, perturbé par la pandémie de coronavirus qui ravage le monde. Si le Comité International Olympique (CIO) a tout fait pour retarder l’échéance, le report des Jeux Olympiques et Paralympiques de Tokyo 2020 devenait inévitable face à la pression venue de l’ensemble de la planète sport. Mardi 24 mars, Thomas Bach, le président du CIO, et Shinzo Abe, le Premier ministre japonais ont annoncé conjointement le report des Jeux de Tokyo à 2021. Le report des Jeux est une première en temps de paix. Il est le symbole d’une crise mondiale d’une ampleur inédite. Si le report a un temps été envisagé pour octobre 2020, les Jeux Olympiques se dérouleront à Tokyo du 23 juillet au 8 août 2021. Et, bien qu’évidente, la décision d’un report laisse entrevoir de nombreuses problématiques.

Au-delà du simple enjeu sportif, la modification calendaire des Jeux Olympiques et Paralympiques aura un impact majeur sur les secteurs économiques et politiques. Ce premier volet s’attachera à traiter les conséquences économiques du report de Tokyo 2020 pour le CIO et le Japon.

Logos Tokyo 2020
Le Japon et le CIO ont acté le report des Jeux de Tokyo 2020 à l’année prochaine.

5 milliards d’euros de surcoût, un coup dur pour une économie japonaise en crise

La décision de reporter les Jeux Olympiques de Tokyo d’un an devrait générer des pertes économiques colossales pour une économie japonaise en crise. Victime de l’effet dissuasif sur la consommation d’une hausse de la TVA intervenue en octobre, le PIB japonais avait connu, au quatrième trimestre 2019, sa pire chute depuis cinq ans (-1,6%). Alors que les Jeux auraient dû engendrer une augmentation du PIB de plus de 14 milliards d’euros, leur report devrait encore aggraver le recul de l’économie japonaise de 0,5 à 0,8 point de pourcentage. Le CIO a reconnu que le report engendrerait des “coûts additionnels” importants pour l’organisation internationale et le Japon. Les premières estimations font état d’une perte de 5,5 milliards d’euros.

Le CIO comme le Japon doivent désormais faire face à des dépenses imprévues. Ces frais s’ajoutent aux 11,6 milliards d’euros déjà dépensés. De nombreux coûts prévus sur plusieurs mois se prolongeront d’un an. Ainsi, les frais d’entretien annuels du seul stade olympique, inauguré en décembre dernier, reviendraient à 20,5 milliards d’euros. Outre l’entretien des installations, Tokyo devra également indemniser les sous-traitants et les employés des Jeux. Il lui faudra supporter les coûts de remboursement des billets et organiser une nouvelle campagne de billetterie pour juillet 2021. Enfin, le Comité d’organisation devra modifier l’ensemble de ses supports de communication malgré le maintien de l’appellation “Tokyo 2020”.

Un secteur du tourisme en perdition

Touché de plein fouet par la crise sanitaire du Covid-19, le secteur touristique japonais – qui génère 7,4% du PIB et 4,6 millions d’emplois – s’accrochait à l’espoir que les Jeux Olympiques l’aiderait à compenser les pertes de cette année. Comme le reste du monde, l’hôtellerie japonaise a cruellement souffert de la propagation du virus. Les Jeux Olympiques devaient attirer 600 000 spectateurs étrangers, pour un revenu estimé à 2 milliards d’euros. 46 000 chambres avaient été sécurisées pendant les dates olympiques pour les organisateurs, les dirigeants de la planète sport, les médias et les sponsors. Selon le journal Le Monde, le logement entre particuliers – surnommé minpaku au Japon – aurait dû rapporter 1,1 milliard d’euros en 2020.

Le gouvernement japonais espérait ainsi atteindre les 40 millions de touristes étrangers en un an grâce aux Jeux. Le pays avait accueilli 31,8 millions de visiteurs en 2019. La perte nette d’activité du report des Jeux, conjuguée à la pandémie de coronavirus, aura un impact important sur l’emploi. Les 8 000 employés dédiés à l’organisation des JO en juillet (3 500 en mars) perdront certainement leur emploi. Dans le secteur de la restauration et de l’hôtellerie, s’il est encore trop tôt pour estimer le préjudice subi par les entreprises et leurs employés durant la crise sanitaire, il est cependant possible de prévoir de lourdes pertes.

Des pertes substantielles pour le CIO et les sponsors TOP

Événement le plus suivi au monde, les Jeux Olympiques représentent la pierre angulaire du modèle économique du CIO. L’instance olympique suprême redistribue plus de 90% de ses revenus au mouvement sportif au sens large. Pour l’Olympiade de 2016, la commercialisation des droits TV et le programme TOP ont principalement alimentés les revenus du CIO. Ces 14 entreprises autorisées à utiliser l’imagerie olympique paient cher leur association au mouvement olympique. Sur quatre années (2013-2016), la dernière Olympiade a généré 5,3 milliards d’euros de recette pour le CIO.

En 2014, la chaîne NBC a déboursé 7,12 milliards d’euros pour s’offrir les droits de diffusion olympiques jusqu’en 2032. NBC diffuse les Jeux depuis 1988 sur le territoire américain. La chaîne avait vendu près de 90% de ses encarts publicitaires pendant les JO, pour un montant supérieur à 1,14 milliard d’euros. La décision de reporter les JO est un coup dur pour NBC. Sa stratégie pour le contenu sportif s’articule en effet autour de la couverture des Jeux tous les deux ans. Le groupe a assuré qu’il “ne devrait pas accuser de pertes” à long terme. Comcast / NBC Universal a cependant annoncé qu’il ne ferait pas de bénéfices en 2020. De plus, sur le plan logistique, nombre des 2 000 personnes envoyées par NBC sur les sites olympiques se retrouveront sans emploi.

En parallèle, le report laisse en suspens de nombreuses questions juridiques. Sports Illustrated explique ainsi que les contrats, dont certains se terminent à la fin de l’été 2020, devront être renégociés avec le CIO ou le Comité d’organisation de Tokyo. La crise pourrait inciter les annonceurs à recalibrer leurs plans de dépense, après une année économique rendue difficile par la pandémie de Covid.

 

Note

Une version longue de cet article est publiée sur le site des Ambassadeurs de la jeunesse.

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Solène VIZIER

Solène Vizier est diplômée d’un Master 2 Etudes Stratégiques. Passionnée de géopolitique, ses domaines de spécialisation concernent les mondes hispanophone et russophone, le désarmement nucléaire et la géopolitique du sport. Elle est rédactrice aux Yeux du Monde depuis avril 2019.

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