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Pionnières et leadeuses: les oubliées de l’histoire latino-américaine (1/2)

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Nombreuses dans notre histoire sont les femmes qui, de par leurs actions héroïques, leurs trouvailles scientifiques, leurs créations ou même leurs idéologies novatrices, ont eu un impact significatif sur le monde d’aujourd’hui. Elles n’ont, cependant, pas toutes profité d’une reconnaissance complète de leur travail. Cet article a pour objectif de corriger cette omission historique, en présentant le portrait de plusieurs femmes d’Amérique du Sud ou Centrale ayant influencé les relations géopolitiques de leur temps.  

Qu’est-ce que l’effet Matilda ?

L’exposition Fast, organisée par l’Université Libre de Bruxelles, définit l’effet Mathilda en ces termes : il s’agit d’une « minimisation ou (d’) un effacement de la contribution d’une femme au monde scientifique, au profit d’un collègue ou personnage masculin. » Bien sûr cet événement ne se restreint pas au monde scientifique et touche bien d’autres domaines tel que le politique. 

Pionnières et leadeuses: les oubliées de l’histoire latino-américaine (1/2)
Portrait de l’Impératrice Léopoldina. Crédit photo de couverture: Françoise Foliot

L’impératrice Léopoldina et l’indépendence du Brésil 

L’indépendance du Brésil est souvent attribuée à son premier empereur: Dom Pedro I. A la suite de l’annexion du Portugal par Napoléon, en 1807, il se réfugia, en effet, au Brésil. Il en devint le régent officiel lorsque son père, le roi Dom Pedro IV, dût revenir au pays. Cependant derrière les agissements de l’empereur, se cachèrent les réflexions de sa femme: l’impératrice Léopoldina. Premièrement décrite par les historiens sous l’angle de l’humiliation procurée par les activités extra-conjugales de son mari, son portrait fut réévalué au XXème siècle. Il en ressortit qu’elle détint, en cette période, une influence telle, qu’elle insuffla l’indépendance du pays le 7 septembre 1822. 

Visionnaire, elle pressenti ainsi la division du Brésil à l’heure où l’empereur n’aurait d’autre choix que de rejoindre le Portugal. Lisbonne demandait en effet le retour de Dom Pedro I. Ce dernier, en voyage pour réduire les contestations sociales qui entérinaient le pays, laissa la régence à l’impératrice. On l’informa alors de l’arrivée prochaine de 7200 hommes si l’empereur ne rentrait pas à Lisbonne. Convoquant le Conseil d’État le 2 septembre 1822, c’est elle qui signa le décret d’indépendance du Brésil. Ce dernier fut ratifié par l’empereur à son retour. Ainsi les brésiliens doivent-ils leur indépendance à une femme, dans une société alors régie par les hommes.

Pionnières et leadeuses: les oubliées de l’histoire latino-américaine (1/2)
Portrait de Manuela Sáenz

Manuela Sáenz dans l’histoire Bolivarienne 

L’histoire de Manuela Sáenz de Thorne fut, elle aussi, longtemps dépeinte sous l’angle de sa relation avec Simón Bolívar. A l’heure de leur rencontre, le 16 juin 1822, le “Libertador” avait déjà gagné sa renommée. Menant l’une des plus grandes armées continentales, il était parvenu à la création de son projet politique premier: La Gran Colombia. Inaugurée en 1821, elle regroupait les territoires nouvellement indépendants que représentent aujourd’hui le Vénézuela, la Colombie, l’Equateur et le Panama. En ces temps, le président dirigeait alors ses nouvelles ambitions vers le Pérou dont il prévoyait l’indépendance.

Au travers de l’histoire de Simón Bolívar, Manuela Sáenz fut longtemps dépeinte comme fidèle héroïne romantique. Elle occupa néanmoins une place prépondérante dans la vie politique régionale de son temps et dans les succès du conquérant. Mettant fin au mariage de convenance qui la liait à James Thorne pour soutenir pleinement son amant, elle s’intégra progressivement au mouvement indépendantiste régional. 

La “Libertadora”

S’engageant dans les mouvements patriotes, Manuela Sáenz devint progressivement un axe central de liaison entre son amant et les cercles indépendantistes péruviens. Cette position stratégique fit d’elle un atout de taille pour le projet politique de Bolívar. Elle ne tarda pas, en effet, à devenir l’une de ses informatrices principales. En 1823, elle embrassa le poste d’archiviste pour ce dernier, conservant les documents sensibles et confidentiels qu’on lui confiait. Ceci lui valut de bénéficier d’un paiement occasionnel de l’armée, chose exceptionnelle pour une femme à l’époque. Déménageant à Lima pour rejoindre Bolívar, elle devint par la suite hôtesse d’événements. De par ces réceptions, se tissa doucement un lien de confiance entre elle et les membres de l’armée colombienne. Elle accepta ainsi rapidement le rôle d’intermédiaire entre l’armée et son amant,  gagnant de fait  en influence. 

Un sentiment anti-bolivarien croissant et une tentative d’assassinat contre Bolívar augmentèrent d’autant son influence. Le 25 septembre 1828, Manuela Sáenz fut réveillée par les aboiements des chiens du palais présidentiel. Alertant Bolívar de l’effraction, elle s’imposa devant les agresseurs et lui offrit le temps de s’enfuir. Le mythe de la « Libertadora del Libertador » était né.

Un deuxième événement vint aiguiser sa réputation. En janvier 1827, une rébellion éclata au sein de la troisième division de l’armée colombienne. Forte de ses liens avec l’armée, elle revêtit ainsi l’uniforme militaire et incita les troupes à rester fidèles à Bolívar. Sáenz alla même jusqu’à en payer certains afin de contrecarrer l’insurrection. Arrêtée par le nouveau gouvernement péruvien, elle fut expulsée de Lima et rejoignit Bolívar à Bogotá. Elle devint ainsi la fidèle conseillère de ce dernier et son porte-parole lors de sa défaite électorale. Elle occupa cette position jusqu’à la mort de Simón Bolívar, le 17 décembre 1830.

 

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Gabrielle FRANCK

Gabrielle FRANCK est étudiante de niveau master, poursuivant un double diplôme «International Relations and Politics and Public Administration» dans les universités partenaires Charles (Prague) et Konstanz (Allemagne).

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