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La conception de l’égalité des sexes sous le prisme japonais

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À Nikko au Japon, le 25 juin dernier, la réunion ministérielle du G7 sur l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes a été dirigée par le Ministre de l’égalité des sexes japonais, Masanobu Ogura. Ogura a été le seul homme présent parmi tous les autres représentants étatiques. La réunion devait souligner les réalisations des femmes au Japon. Néanmoins, cette présence masculine a semblé détourner l’attention, considérée comme un témoignage de la situation des Japonaises au sein du champ politique. La sous-représentation des femmes en politique japonaise s’analyse notamment par une compréhension de l’égalité des sexes sous le prisme japonais.

Il s'agit du deuxième gouvernement de Fumio Kishida qui tend à montrer la sous-représentation des femmes dans le champ politique japonais.
Le deuxième gouvernement de Fumio Kishida ne compte que trois femmes pour un total de vingt-et-un ministres.

Le Japon, le bon dernier du G7 en matière de parité

Chaque année, le classement mondial des inégalités de genre du Forum économique mondial mesure la parité d’une multitude de pays. En 2023, le Japon se classe 125e sur 146 nations étudiées en termes d’égalité des sexes. Ce nouveau rapport consolide la dernière place du Japon parmi tous les autres pays du G7 en matière de parité. Pour le Japon, cette position n’est pas nouvelle. Elle marque même un recul : en 2022, le Japon était classé 116e sur 156.

Le classement du FEM considère des données propres à quatre domaines d’activité : la politique, l’économie, l’éducation et la santé. Bien que le Japon possède un haut indice dans l’éducation et dans la santé, ceux de l’économie et de la politique ont tendance à fléchir. Dans le cas japonais, avec un indice de 0,057 en politique en 2023, l’inégalité en matière de genre au sein du champ politique se présente comme l’une des causes majeures du classement japonais.

 

Les réformes mises en œuvre pour lutter contre la sous-représentation des femmes

Le champ politique japonais se caractérise par une forte sous-représentation des femmes. En effet, le gouvernement de Fumio Kishida ne compte que trois femmes pour vingt-et-un postes ministériels. Quant à la Chambre basse, l’organe exécutif le plus important de la politique japonaise, les politiciennes occupent 46 des 463 sièges disponibles. Pour un ratio de 9,94% de femmes à la Chambre basse, l’expression « monopole masculin » décrit bien la sous-représentation des femmes au sein de la politique japonaise.

La place des femmes dans la société japonaise constituait déjà un objet de la politique de Shinzô Abe. Des réformes ont vu le jour afin d’augmenter la participation des femmes à la vie politique, comme celle de la « loi sur la promotion de l’égalité des sexes dans le domaine politique » (政治分野における男女共同参画の推進に関する法律, Seiji bun’ya ni okeru danjo kyōdō sankaku no suishin ni kansuru) en 2018. Celle-ci préconise la promotion à la participation des femmes au sein des élections de la Chambre basse, de la Chambre haute et des assemblés locales. Sans imposer des quotas, la loi a introduit des objectifs quant au nombre de candidats masculins et féminins. Autrement dit, cette loi attend l’engagement des partis et du gouvernement pour promouvoir l’égalité des sexes dans le champ politique.

Sans qu’elle soit coercitive, cette loi porte le symbole des premiers pas japonais vers une parité en politique. Cette parité a été institutionnalisé sous une considération particulière de l’égalité, pensée sous le prisme japonais.

 

La question de l’égalité des sexes sous le prisme japonais  : une conception japonaise de l’«égalité » 

Cette loi envisage la conception d’une égalité qu’elle ne dit pas en usant de l’expression « danjo kyōdō ». Si « danjo » fait référence aux deux sexes, « kyōdō » indique une coopération ou participation commune. Ainsi, l’expression « danjo kyōdō » signifie littéralement une « participation et coopération des hommes et des femmes ». Si la Constitution japonaise, dans toutes ses ambiguïtés et tous ses débats, convoque déjà deux termes pour dire égalité – taitō (対等) et byōdō (平等) –, « danjo » a été le nouveau terme inventé pour évoquer la question de l’égalité homme-femme.

Il est grammaticalement possible de dire en japonais « égalité entre les genres » (gender equality) par « danjo byōdō ». Le choix de parler de « danjo kyōdō » renvoie à une décision du Parti Libéral Démocrate (PLD) de 1999, dans le cadre d’une première loi en faveur de la promotion des femmes. Cette invention souligne cette conception spécifique de la notion d’« égalité entre les genres ». Si la conception occidentale reste plus axée sur l’égalité formelle et juridique, considérant tous les individus comme égaux devant la loi, indépendamment de leur statut social et de leur genre, au Japon, l’égalité est davantage liée à l’harmonie sociale et à la reconnaissance mutuelle des rôles et des positions dans la société. La question de l’égalité des sexes au Japon reste marquée par la croyance d’une répartition genrée des rôles.

Sources : 

  • Jean-Marie Bouissou, Les leçons du Japon : un pays très incorrect, édition Fayard, 2019.
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Rose Moreira

Étudiante en Master 2 Relations Internationales et Action à l'étranger à l'université Panthéon-Sorbonne, je me passionne pour les questions relatives au genre en politique. Si mes intérêts portent principalement sur la zone Asie, je reste sensible à toutes les aires géographiques, notamment celle de l'Amérique latine.

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