L’espace : nouvel épicentre des rapports de force entre Etats
En nommant un général de l’espace, les Etats-Unis sont plus que jamais déterminés à investir les cieux et à renforcer leurs dispositifs militaires déjà existants, d’autant plus que les Russes et les Chinois ont fait des progrès considérables dans ce domaine au cours des dernières années.
Un général de l’espace ! Non, ce n’est pas le titre du nouveau Star Wars mais l’intitulé du poste que va prochainement occuper un officier de l’armée américaine. Au-delà du nom quelque peu anecdotique de ce poste, il s’agit bel et bien pour les Etats-Unis d’anticiper de futurs conflits spatiaux. « Si un conflit venait à se déclarer dans l’espace, les États-Unis devraient conduire les discussions sur la manière de normaliser l’espace comme un terrain de guerre classique », a ainsi détaillé l’US Air Force dans une vidéo publiée sur son compte Twitter.
Plus que cela, il s’agit pour les États-Unis de conserver leur supériorité technologique et militaire car l’espace joue un rôle crucial dans l’élaboration de la puissance américaine. Plus de 250 000 systèmes militaires américains sont reliés au GPS, donc au réseau satellitaire américain. Si celui-ci confère une supériorité de poids aux États-Unis, il constitue également son talon d’Achille. En effet, ces dernières années, les Chinois ont développé des missiles capables d’atteindre l’espace, tandis que les Russes sont suspectés d’avoir mis au point des satellites militaires pouvant détruire d’autres satellites grâce à un système de brouillage particulièrement sophistiqué.
La Chine, nouveau rival des États-Unis
En plus de la Russie, traditionnel concurrent spatial des Etats-Unis, la première puissance doit donc faire face à un nouveau rival avec la montée en puissance de la Chine. Celle-ci dispose désormais de son propre réseau de navigation par satellite qui couvre déjà l’Asie et une partie du Pacifique, et d’ici 2020, la Chine ambitionne de couvrir l’ensemble de la planète. De plus, à cette même date, l’Empire du Milieu a annoncé son intention de réaliser 30 lancements spatiaux par an contre 20 actuellement.
Le général 3 étoiles américain, dont le nom n’a pas encore été dévoilé mais qui devrait entrer en fonction le 1er août, aura également pour mission de gérer les investissements de l’armée concernant la conquête spatiale. Il disposera d’une certaine autonomie vis-à-vis de l’US Air Force grâce à la création du National Space Defense Center (le centre national de défense spatiale) qui sera opérationnel en 2018. Par ailleurs, un centre de construction militaire dédié aux armes spatiales (Space Warfighting Construct) est actuellement en train d’être édifié. Le but ? Renforcer la protection des infrastructures spatiales américaines. Ces infrastructures sont stratégiques dans le secteur des communications et du renseignement militaire mais pas seulement puisqu’en moyenne, un individu utiliserait 47 satellites par jour, que ce soit pour naviguer sur Internet ou pour se servir du GPS.
Un budget spatial américain supérieur à celui de toutes les nations réunies
L’engagement américain dans l’espace se traduit par des investissements colossaux. En 2015, le budget spatial officiel du Pentagone s’élevait à 23,5 milliards de dollars alors que pour les autres pays du monde, le budget total n’aurait pas dépassé les 10 milliards de dollars. Notons toutefois que ces chiffres sont à relativiser compte tenu du secret entourant ces données particulièrement sensibles, d’autant plus que les entreprises privées jouent un rôle croissant dans les investissements spatiaux.
Si les Etats-Unis viennent de nommer leur premier général de l’espace, la France n’est pas en reste et dispose même, depuis 2010, d’un commandement interarmées de l’espace. Lors d’une audition à l’Assemblée nationale qui a eu lieu en 2016, le général Jean-Daniel Testé a ainsi mis en garde : « l’utilisation croissante de l’espace par nos sociétés crée une dépendance, donc une vulnérabilité. L’espace est déjà devenu le champ d’expression de rapports de puissance, sa militarisation pourrait le transformer, si nous n’y prenons garde, en nouveau champ de bataille dans les décennies à venir ». Une raison de plus pour les Etats-Unis de ne pas laisser de terrain à la Russie et à la Chine dans ce qui pourrait se mouvoir en une future « guerre des étoiles ».